Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DSA_1/DSA1
Alfred de ESSARTS
LA COMÉDIE DU MONDE
1851
INTRODUCTION
PARIS
I
 Je n'ai jamais étéde ces fâcheux esprits 6+6 a
Qui font professionde détester Paris, 6+6 a
Et dont l'humeur moroseà tout propos étale 6+6 b
Un suprême dédainpour notre capitale. 6+6 b
5 Copistes de Rousseau,le sombre genevois, 6+6 a
A l'envi contre nousils élèvent la voix, 6+6 a
Et nous ont fait partoutla triste renommée 6+6 b
De marcher dans la boue,à travers la fumée ; 6+6 b
D'être légers, bavards,curieux, inconstants ; 6+6 a
10 D'agir ou de parlertoujours à contre-temps ; 6+6 a
Et de n'avoir pour règle,en vertu comme en vice, 6+6 b
Que l'éternelle loidu mobile caprice. 6+6 b
 Tel est notre portrait :s'il dit la vérité, 6+6 a
Vous conviendrez du moinsqu'on ne l'a point flatté. 6+6 a
15  De critiquer ainsiquelle manie étrange ! 6+6 b
Non, nous n'habitons pasune ville de fange ; 6+6 b
Le soleil a pour nousdes rayons bienfaisants ; 6+6 a
Paris a rajeunisous le travail des ans, 6+6 a
Et nous ne sommes pastous atteints de folie. 6+6 b
20 Nous aimons le plaisir…Au travail il s'allie. 6+6 b
Nous avons nos défauts ;mais qui n'a pas les siens ? 6+6 a
Pour moi, j'aime Pariset mes concitoyens. 6+6 a
Paris est pour l'espritune mine féconde : 6+6 b
C'est un grand réservoir vient puiser le monde. 6+6 b
25 L'Idée, en s'échappantde ce centre puissant, 6+6 a
Échauffe tous les cœursqu'elle touche en passant. 6+6 a
Rien ne se fait chez nous,qui dans toute l'Europe 6+6 b
Soudain ne retentisseet ne se développe. 6+6 b
Encelades nouveaux,nos moindres mouvements 6+6 a
30 Font tressaillir le soljusqu'en ses fondements. 6+6 a
Les peuples sur nos loisont façonné leur code, 6+6 b
Et de nos vêtementsils reçoivent la mode ; 6+6 b
Ainsi que nos tableaux,nos livres vont partout ; 6+6 a
On parle notre langue,on calque notre gt ; 6+6 a
35 L'Art qui végète ailleurs,nous donne des merveilles ; 6+6 b
Rossini, Meyerbeernous ont voué leurs veilles 6+6 b
En recevant de nous,par l'hospitalité, 6+6 a
Leur baptême d'honneurset de célébrité. 6+6 a
Les peuples sont le bras,— nous la tête qui pense. 6+6 b
40 Que de fièvre chez nous,que d'ardeur se dépense ! 6+6 b
Comme nous répandionsnotre sang et notre or, 6+6 a
Tandis qu'à l'Étrangeron sommeillait encor ! 6+6 a
Si la France a d'abordreflété la lumière, 6+6 b
C'est que des nationselle est l'avant-courrière ; 6+6 b
45 Qu'elle doit à la fois,en étendant la main, 6+6 a
Soutenir le courageet montrer le chemin ; 6+6 a
Chanter l'hymne d'amourou l'altière fanfare ; 6+6 b
En guerre être un drapeau,dans la paix être un phare. 6+6 b
 Cessez donc, ô frondeurs,de blâmer sans raison, 6+6 a
50 Et d'ébranler ainsivotre propre maison ; 6+6 a
Cessez de vous répandreen ironie amère : 6+6 b
Enfants, ne frappez pasle sein de votre mère. 6+6 b
Je conviens avec vousqu'il fut de mauvais jours 6+6 a
chez nous la discordeet la haine eurent cours ; 6+6 a
55 les partis, arméspour la guerre civile, 6+6 b
Promenèrent la mortdans les murs de la ville 6+6 b
Tristes jours qu'il faudraitrayer du souvenir, 6+6 a
Taches que le passétransmet à l'avenir. 6+6 a
Mais voit-on l'Océan,sous d'éternels orages, 6+6 b
60 Constamment déchné,bouleverser ses plages ? 6+6 b
La fièvre des combatsenflamma notre sein ; 6+6 a
Mais, on l'a dit, le tempsest un grand médecin. 6+6 a
Les siècles à venirnous cachent leurs oracles ; 6+6 b
L'humanité n'a pasachevé ses miracles. 6+6 b
65 Tant que l'arbre de Dieusur l'homme s'étendra, 6+6 a
C'est la France surtoutque son ombre aimera. 6+6 a
II
 Souvent je me suis dit,— lorsque dans une fête 6+6 b
Le plaisir enivrantmontait à chaque tête ; 6+6 b
Lorsqu'aux sons de l'orchestre,amour et volupté 6+6 a
70 Faisaient battre le cœuret briller la beauté, — 6+6 a
Quel roman ce serait,charmantes créatures, 6+6 b
Si l'on traçait de vousautant de miniatures ; 6+6 b
Quels traits. quel colorisvous pourriez inspirer ! 6+6 a
Vous chanter, ce seraitpresque vous adorer. 6+6 a
75 Et pourquoi le poëte,ermite solitaire, 6+6 b
Se tient-il dédaigneuxloin des bruits de la terre ; 6+6 b
Ou, se laissant allerau vain rêve du moi, 6+6 a
Remplit-il l'universde son mystique émoi ? 6+6 a
Il trouverait icibien plus de poésie, 6+6 b
80 Et la réalitéserait sa fantaisie. 6+6 b
 Faisons donc aujourd'hui,sur des types divers, 6+6 a
Sur le monde vivant,— notre ROMAN EN VERS. 6+6 a
III
 Nous n'irons pas chercher,dans les temps héroïques, 6+6 b
Les modèles connusdes figures épiques. 6+6 b
85 Ce genre ne sied plus :Ulysse, Ajax, Hector, 6+6 a
Auprès de nos lecteursrisqueraient d'avoir tort ; 6+6 a
Les malheurs d'Herminieou les transports d'Armide 6+6 b
Ne trouveraient plus mêmeune paupière humide ; 6+6 b
Énée irait tout seulcombattre au Latium, 6+6 a
90 Et la Pharsale auraitun effet d'opium. 6+6 a
Récits des paladins,des géants, des batailles, 6+6 b
Le temps vous réservaitaussi vos funérailles : 6+6 b
Vous charmiez nos aïeux…Peut-être un jour nos fils 6+6 a
Dans le même dédaintiendront-ils nos écrits. 6+6 a
95  N'importe, et quel que soitle destin de ma muse, 6+6 b
Si de mes fictionsquelque lecteur s'amuse, 6+6 b
J'aurai bien employémes heures de loisir. 6+6 a
Puissiez-vous en mes versgter quelque plaisir, 6+6 a
Revenir vers un monde ;aux sentiments d'artistes ; 6+6 b
100 Oublier le pathosde nos so_ci_a_lis_tes, 6+6 b
Et pour tromper l'ennuivous plonger au besoin 6+6 a
Dans ce monde d'hierqui déjà semble loin ! 6+6 a
Bien qu'en dise Burger,la tombe au calme invite ; 6+6 b
Mais ce sont maintenantles vivants qui vont vite ; 6+6 b
105 Et l'on n'a pas plus tôtouvert les yeux au jour, 6+6 a
Que l'on voit tous les roisrenversés tour à tour ; 6+6 a
Qu'on entend retentir,dans les villes en larmes, 6+6 b
Le tambour, le canonet la cloche d'alarmes… 6+6 b
Quand l'émeute sans freins'élance en rugissant 6+6 a
110 Comme un tigre altéréde carnage et de sang, 6+6 a
Et que nos monumentssont des champs de bataille 6+6 b
l'Art sacrifiépérit sous la mitraille. 6+6 b
IV
 Tâchons, fût-ce un instant,de fixer nos regards 6+6 a
Sur des temps plus heureuxpour l'esprit et les arts. 6+6 a
115 Voyons passer la vieainsi qu'une eau qui change 6+6 b
Et s'éclaire parfoisd'une lueur étrange, 6+6 b
Limpide aussi parfoisquand l'azur reflété 6+6 a
N'a pas sous le brouillardperdu sa pureté. 6+6 a
Faisons poser le monde,ainsi que sur la scène 6+6 b
120 Se meut devant nos yeuxla Comédie humaine. 6+6 b
Avec vos oripeaux,vos masques, vos galons, 6+6 a
Défilez tour à tour,acteurs de nos salons. 6+6 a
 — Mais, dira-t-on, pourquoine pas conter en prose ? — 6+6 b
Si la chose est nouvelle,eh bien ! tentons la chose. 6+6 b
125 Lafontaine écrivait :« Si je n'obtiens le prix, 6+6 a
« J'aurai du moins l'honneurde l'avoir entrepris. » 6+6 a
Accueillez un essai ;dans le siècle nous sommes, 6+6 b
Lorsqu'on réforme tout,la nature, les hommes, 6+6 b
Et les gouvernements,et les lois et les mœurs, 6+6 a
130 Sera-t-on sans pitiépour les pauvres rimeurs ? 6+6 a
Et devront-ils garderun silence stoïque, 6+6 b
Ou bien, de par Platon,quitter la république ? 6+6 b
Vous qui nous refusezun grain pour subsister, 6+6 a
Prosaïques fourmis,laissez-nous donc chanter ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université