Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DSA_1/DSA17
Alfred de ESSARTS
LA COMÉDIE DU MONDE
1851
XVI
LE DUEL
 Avoir pour un combatengagé sa parole ; 6+6 a
Un combat dont la causeest souvent bien frivole ; 6+6 a
Se dire que l'on estjeune, heureux, fort et beau, 6+6 b
Et que demain peut-êtreen un sombre tombeau 6+6 b
5 L'on descendra, passantd'une vie enchantée 6+6 a
A la cité de deuilpar la mort habitée ! 6+6 a
La vengeance, déjàsavourant son plaisir, 6+6 b
Ouvre ses mains d'acierafin de vous saisir. 6+6 b
 Demain… que de pensersse croisent dans la tête ! 6+6 a
10 Pour l'un des combattantsl'éternité s'apprête 6+6 a
C'est peu qu'il tombe mortsous le fer ou le feu, 6+6 b
Là-haut il subirale jugement de Dieu. 6+6 b
Qui pourrait sans frémiraccepter cette épreuve 6+6 a
Et voir loin de son corpserrer son âme veuve 6+6 a
15 Et dire : « J'étais jeune,heureux, brillant et beau, 6+6 b
« Tout cela pour descendre,avant l'âge, au tombeau ! » 6+6 b
 Fatale loi d'honneur !préjugé de ce monde 6+6 a
, quand la vérités'enfuit, l'erreur abonde, 6+6 a
Feras-tu donc toujourssur les autels humains 6+6 b
20 Couler des flots de sangrépandu par nos mains ! 6+6 b
Il le faut cependantlorsqu'avec artifice 6+6 a
Au sein de nos foyersl'impureté se glisse, 6+6 a
Lorsqu'un nom est taché,lorsque l'excès du mal 6+6 b
Ne peut se réparerdevant un tribunal. 6+6 b
25 Alors on cherche en soila force et le refuge ; 6+6 a
D'offensé qu'on étaiton se transforme en juge ; 6+6 a
A défaut de la loiqui, publique, pourrait 6+6 b
N'être point pour l'honneurun remède discret, 6+6 b
On ne doit plus entendre,au sortir de l'outrage, 6+6 a
30 Que cette conscience,arbitre du courage ; 6+6 a
Et malheur à celuiqui s'arrête au débat, 6+6 b
Quand un devoir sacrélui montre le combat ! 6+6 b
 Midi sonnait. — Au Boisdeux voitures entrèrent 6+6 a
Et non loin de Longchampsà l'écart s'arrêtèrent. 6+6 a
35 Nul promeneur encorne troublait le repos 6+6 b
Du lieu que le duela choisi pour champ-clos. 6+6 b
D'ailleurs, un voile gris,favorable au mystère, 6+6 a
Étendait son linceuldu ciel jusqu'à la terre. 6+6 a
Il avait plu la veilleet, malgré la saison, 6+6 b
40 Une froide roséehumectait le gazon. 6+6 b
Les oiseaux frissonnantssuspendaient leur ramage ; 6+6 a
Tout semblait annoncerquelque sombre présage ; 6+6 a
Mais certains du succès,les deux témoins d'Arthur, 6+6 b
Sachant que nul n'avaitle bras ni l'œil plus sûr 6+6 b
45 Et qu'il t défiéjusqu'au fameux Saint-George, 6+6 a
Aux dépens de Firminriaient à pleine gorge. 6+6 a
« — Ah ! disait Enguerrand,ce brave paladin 6+6 b
Sur nos joyeux soupersdéverse son dédain, 6+6 b
Et s'en vient, d'une voixaustère et magistrale, 6+6 a
50 Au moment du dessert,nous prêcher sa morale ! 6+6 a
Il apprendra bientôt( j'en suis fâché pour lui) 6+6 b
Qu'il faut moins se mêlerdes affaires d'autrui. 6+6 b
Peste ! si des censeurson n'écartait l'espèce, 6+6 a
On devrait dans le noirenterrer sa jeunesse. 6+6 a
Qu'en dis-tu ?
55 — Sur ma foi,dit Arthur en bâillant, 6+6 b
C'était pour en finirle seul expédient. 6+6 b
Semblable au Commandeur,cet homme sans relâche 6+6 a
De m'obséder partouts'était donné la tâche. 6+6 a
Il voulait obtenirune leçon de moi 6+6 b
60 Il l'aura, je ne faisqu'obéir à sa loi. 6+6 b
Mais se lever si tôt,c'est une chose rude : 6+6 a
Car de compter midije n'ai pas l'habitude. » 6+6 a
 Paul était descendu,sans trouble ni lenteur, 6+6 b
Comme s'il n't étéque simple spectateur ; 6+6 b
65 Le sang-froid se lisaitsur son mâle visage : 6+6 a
Rozemon en conçutune secrète rage ; 6+6 a
Et bouillonnant d'ardeurdevant son ennemi, 6+6 b
Par son talent d'escrime,il était raffermi. 6+6 b
 Cependant Paul Firmin,élevant sa voix grave, 6+6 a
Lui dit :
70 « — D'un préjugéje ne suis pas esclave. 6+6 a
Le courage, à mes yeux,n'est pas dans un duel 6+6 b
souvent le bon droitreçoit le coup mortel. 6+6 b
Je suis chrétien ; le sangme répugne à répandre. 6+6 a
Pour la dernière fois,Monsieur, veuillez m'entendre. 6+6 a
75 Je ne vous ai tenuqu'un langage d'honneur : 6+6 b
Si la nuit a calmévotre accès de fureur, 6+6 b
Et si, pour réparervotre conduite infâme, 6+6 a
Vous rendez le dépôtque de vous on réclame, 6+6 a
Je jugerai pour moil'outrage réparé, 6+6 b
80 Et sans rien exigerde plus je partirai. 6+6 b
— La propositionme part assez forte, 6+6 a
Répondit Rozemon ;en finir de la sorte 6+6 a
Ce serait très-commode :ainsi, sans risquer rien 6+6 b
Dans le monde on pourraitfaire l'homme de tien ! 6+6 b
85 On pourrait des vertuspromener l'étalage ! 6+6 a
Vous êtes insolent…ayez donc du courage. » 6+6 a
 Et le baron avaitun sourire moqueur 6+6 b
Comme s'il tenait Paulsous son genou vainqueur. 6+6 b
 Enguerrand, du fourreautira les deux épées. 6+6 a
90 « — Quand par l'aveuglementles âmes sont frappées, 6+6 a
Dit Paul sans s'émouvoir,en vain la charité 6+6 b
Donne un avis prudent…il n'est pas écouté. 6+6 b
J'ignore quel serale sort de cette lutte : 6+6 a
Ferme dans le projetqu'il faut que j'exécute, 6+6 a
95 Je voulais vous offrirun suprême moyen 6+6 b
De montrer quelque honneur…Mais vous ne sentez rien ! 6+6 b
Le cœur est mort en vous.D'après votre réponse 6+6 a
Combattons maintenant,et que le ciel prononce ! 6+6 a
Je le répète ici :vous seul m'avez forcé 6+6 b
100 D'en venir au défique je vous ai lancé. » 6+6 b
 Ils engagent la lutte.Également habiles, 6+6 a
Pour se toucher ils fontdes efforts inutiles ; 6+6 a
Le fer heurte le fer,et dans ce cliquetis 6+6 b
Par mille chocs soudainsles coups sont amortis. 6+6 b
105 Dans un espace étroitle duel se resserre ; 6+6 a
Chacun des combattantsjuge son adversaire ; 6+6 a
Tous deux, sans avancer,sans reculer non plus, 6+6 b
A poursuivre leur œuvreils sont bien résolus. 6+6 b
Une sueur glacéeinonde leur visage 6+6 a
110 Leur force diminue,et non pas leur courage. 6+6 a
 Arthur, impatient,s'irrite des lenteurs 6+6 b
Qui tout bas font tremblerles muets spectateurs. 6+6 b
On n'entend que le bruitsinistre de l'épée ; 6+6 a
Et les témoins d'Arthur,dont l'attente est trompée, 6+6 a
115 Sans oser se parlers'interrogent des yeux. 6+6 b
 Quelqu'un s'est écrié :« — Reposez-vous, Messieurs. » 6+6 b
Par un commun accordil se fait une trêve. 6+6 a
Arthur baisse le frontlorsque Paul le relève : 6+6 a
Le premier, fatigué,pâle, tout abattu ; 6+6 b
120 Le second, calme et fortdu droit de sa vertu. 6+6 b
 Pendant cet intervalle,oh ! de quelle pensée 6+6 a
L'âme du libertindut être traversée ! 6+6 a
C'était l'éternitéque ce cruel moment 6+6 b
s'évanouissaittout son aveuglement. 6+6 b
125 Dans l'art des spadassinsil était passé mtre : 6+6 a
Il y trouve un égal…et son vainqueur peut-être ; 6+6 a
Il mesure déjàles horreurs duant… 6+6 b
Il croit voir sous ses piedsun abîmeant 6+6 b
Qui s'ouvre, s'ouvre encoreet sans pitié l'attire 6+6 a
130 Un indicible effroilui donne le délire 6+6 a
Car il le sent : la mortappart aujourd'hui ! 6+6 b
La mort, à vingt-cinq ans !Elle est là, devant lui ! 6+6 b
Et ce n'est pas au cielque monte sa prière. 6+6 a
Lui prier ! Non,pas mêmeà son heure dernière ! 6+6 a
135 Demander son salutà Firmin ! Non, jamais ! 6+6 b
« — L'enfer le veut, dit-il ;eh bien ! je me soumets. » 6+6 b
 Il cherche du regardson épée impuissante, 6+6 a
Rappelle son audaceet sa vigueur absente. 6+6 a
L'émotion lui metun voile sur les yeux. 6+6 b
140  « — Recommençons, » dit Paul,encor plus sérieux. 6+6 b
 Un éclair de fureursillonna le visage 6+6 a
D'Arthur, qui rougissaitde son peu de courage. 6+6 a
Il saisit son épée,et d'un bond se plaça 6+6 b
Devant Paul… Un momentterrible se passa. 6+6 b
145 Arthur multipliaitses coups avec furie, 6+6 a
Au hasard, sans chercherà protéger sa vie. 6+6 a
La lutte devenaitinégale : Firmin 6+6 b
Vingt fois du cœur d'Arthurt trouvé le chemin. 6+6 b
Mais frapper sans pitiérépugnait à son âme : 6+6 a
150 Car il ne voyait plusqu'un homme dans l'infâme ; 6+6 a
Et pour lui, quel que fûtl'excès de son mépris, 6+6 b
Au sang d'un criminelil attachait du prix. 6+6 b
Trompé sur le motifd'une bonté si grande, 6+6 a
Arthur redouble ; il fautque Firmin se défende 6+6 a
155 Son ennemi s'élance,et par son propre effort 6+6 b
Atteint profondément,chancelle et tombe mort. 6+6 b
Un seul cri de douleurest sorti de sa bouche 6+6 a
l'on peut lire encorla menace farouche. 6+6 a
 Firmin resta muet,triste, réfléchissant. 6+6 b
160 L'âme d'Arthur étaitpartie avec son sang. 6+6 b
Une égale stupeurrégnait de part et d'autre. 6+6 a
 « — Votre œuvre est achevée,et je remplis la nôtre, 6+6 a
Dit Enguerrand ; voiciles papiers réclamés. 6+6 b
Tenez. Dans cette bteils sont tous renfermés. 6+6 b
165  — Hélas ! murmura Paul,ce dénment m'afflige : 6+6 a
Mais l'orgueil est mortellorsqu'il mène au vertige. » 6+6 a
 Cela dit, il s'éloigneaprès avoir remis 6+6 b
Le cadavre d'Arthuraux mains de ses amis. 6+6 b
 Le lendemain, partoutse lisait la nouvelle. 6+6 a
170 Mais comme on n'avait pointdivulgué la querelle, 6+6 a
La même versioncourut dans les journaux, 6+6 b
Qui se font des emprunts,tout en étant rivaux. 6+6 b
Nos graves Moniteurdonnaient pour authentique, 6+6 a
D'après renseignements,qu'un motif politique 6+6 a
175 N'était pas étrangerà cet événement. 6+6 b
Or des amis d'Arthurquel fut l'étonnement 6+6 b
De voir que l'on avaittransformé la dispute 6+6 a
Et changé sans façonle terrain de la lutte ! 6+6 a
« — Ce pauvre Rozemon,dit Enguerrand, je croi 6+6 b
180 Qu'il n'en savait pas plus,Messieurs, que vous et moi 6+6 b
En semblable matière ;il t été capable 6+6 a
De prendre un députépour un saint véritable. 6+6 a
Sa politique à luic'était le jeu, l'amour. 6+6 b
Pauvre gaon ! sa vieeut l'espace d'un jour. 6+6 b
185  — Eh bien ! dit un lion,il eut ce qu'on célèbre : 6+6 a
Le plaisir, le bonheur ;son oraison funèbre 6+6 a
Est dans ces mots : « L'amourl'avait favorisé ; 6+6 b
« S'il est mort jeune, au moinsil s'était amusé. » 6+6 b
Un autre dit : « — Sa vieà lui fut courte et bonne. 6+6 a
190 Qu'est-ce que le vieillardque la force abandonne ? 6+6 a
Un tronçon impuissant,un affligeant débris 6+6 b
Auquel le rhumatismearrache de longs cris. 6+6 b
Ne plaignons pas celuiqui tombe avec sa grâce 6+6 a
Et ne sent pas venirl'hiver chargé de glace. 6+6 a
195  — A propos, mes amis,dit Enguerrand, sait-on 6+6 b
Ce que fait Florida ?
— Mais oui. D'abord par ton 6+6 b
Dans son appartementelle s'est confinée, 6+6 a
En mémoire d'Arthur…au moins une journée. 6+6 a
Mais on ne peut gâterses yeux à trop pleurer : 6+6 b
200 C'est ce que lord Asthtona su lui démontrer. 6+6 b
Aussi, tout en gardantquelque mélancolie, 6+6 a
Elle va se laisserconduire en Italie. » 6+6 a
 Cette tendre façond'oublier un amant 6+6 b
Parut de ces Messieursavoir l'assentiment ; 6+6 b
205 On s'entretint encord'Arthur ; et puis la glose 6+6 a
Étant bien terminée,on parla d'autre chose. 6+6 a
Ce sont là les regretsdu monde d'aujourd'hui, 6+6 b
Qui craint par-dessus toutles larmes et l'ennui 6+6 b
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