Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DRX_2/DRX33
Léon DIERX
LES LÈVRES CLOSES
1867
LA NUIT DE JUIN
A J-M De Heredia.
La nuit glisse à pas lents | sous les feuillages lourds ; 6+6 a
Sur les nappes d'eau morte | aux reflets métalliques, 6+6 b
Ce soir traîne là-bas | sa robe de velours ; 6+6 a
Et du riche tapis | des fleurs mélancoliques, 6+6 b
5 Vers les massifs baignés | d'une fine vapeur, 6+6 a
Partent de chauds parfums | dans l'air pris de torpeur. 6+6 a
Avec l'obsession | rythmique de la houle, 6+6 a
Tout chargés de vertige, | ils passent, emportés 6+6 b
Dans l'indolent soupir | qui les berce et les roule. 6+6 a
10 Les gazons bleus sont pleins | de féeriques clartés ; 6+6 b
Sur la forêt au loin | pèse un sommeil étrange ; 6+6 a
On voit chaque rameau | pendre comme une frange, 6+6 a
Et l'on n'entend monter | au ciel pur aucun bruit. 6+6 a
Mais une âme dans l'air | flotte sur toutes choses, 6+6 b
15 Et, docile au désir | sans fin qui la poursuit, 6+6 a
D'elle-même s'essaye | à ses métempsycoses. 6+6 b
Elle palpite et tremble, | et comme un papillon, 6+6 a
À chaque instant, l'on voit | naître dans un rayon 6+6 a
Une forme inconnue | et faite de lumière, 6+6 a
20 Qui luit, s'évanouit, | revient et disparaît. 6+6 b
Des appels étouffés | traversent la clairière 6+6 a
Et meurent longuement | comme expire un regret. 6+6 b
Une langueur morbide | étreint partout les sèves ; 6+6 a
Tout repose immobile, | et s'endort ; mais les rêves 6+6 a
25 Qui dans l'illusion | tournent désespérés, 6+6 a
Voltigent par essaims | sur les corps léthargiques 6+6 b
Et s'en vont bourdonnant | par les bois, par les prés, 6+6 a
Et rayant l'air du bout | de leurs ailes magiques. 6+6 b
— Droite, grande, le front | hautain et rayonnant, 6+6 a
30 Majestueuse ainsi | qu'une reine, traînant 6+6 a
Le somptueux manteau | de ses cheveux sur l'herbe, 6+6 a
Sous les arbres, là-bas, | une femme à pas lents 6+6 b
Glisse. Rigidement, | comme une sombre gerbe, 6+6 a
Sa robe en plis serrés | tombe autour de ses flancs. 6+6 b
35 C'est la nuit ! Elle étend | la main sur les feuillages, 6+6 a
Et tranquille, poursuit, | sans valets et sans pages, 6+6 a
Son chemin tout jonché | de fleurs et de parfums. 6+6 a
Comme sort du satin | une épaule charnue, 6+6 b
La lune à l'horizon | sort des nuages bruns, 6+6 a
40 Et plus languissamment | s'élève large et nue. 6+6 b
Sa lueur filtre et joue | à travers le treillis 6+6 a
Des feuilles ; et, par jets | de rosée aux taillis, 6+6 a
Caresse, en la sculptant | dans sa beauté splendide, 6+6 a
Cette femme aux yeux noirs | qui se tourne vers moi. 6+6 b
45 Enveloppée alors | d'une auréole humide, 6+6 a
Elle approche, elle arrive : | et, plein d'un vague effroi, 6+6 b
Je sens dans ces grands yeux, | dans ces orbes sans flamme, 6+6 a
Avec des sanglots sourds | aller toute mon âme. 6+6 a
Doucement sur mon cœur | elle pose la main. 6+6 a
50 Son immobilité | me fascine et m'obsède, 6+6 b
Et roidit tous mes nerfs | d'un effort surhumain. 6+6 a
Moi qui ne sais rien d'elle, | elle qui me possède, 6+6 b
Tous deux nous restons là, | spectres silencieux, 6+6 a
Et nous nous contemplons | fixement dans les yeux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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