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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES DIVERSES
LA NYMPHE TOULOUSAINE
IMITATION DE GOUDELIN
Sous les arbres touffus, naïves pastourelles, 6+6 a
Cherchez de frais abris contre l’ardeur du jour. 6+6 b
Et vous, petits oiseaux, sous leurs voûtes nouvelles, 6+6 a
Enflez votre gosier pour saluer l’Amour. 6+6 b
5 Toi dont les flots d’argent, dont l’eau vive et brillante 6+6 a
Offre un miroir mobile à la beauté riante, 6+6 a
Cristal limpide et pur, qui rafrchis les fleurs, 6+6 a
Tu ne rafrchis pas mes yeux brûlés de pleurs. 6+6 a
Vallons, où le plaisir vient former des guirlandes 6+6 a
10 Quand la jeune saison vous charge de rameaux, 6+6 b
Où l’abeille bourdonne à l’entour des offrandes 6+6 a
Que le Printemps attache aux branches des ormeaux, 6+6 b
Écoutez ! écoutez la nymphe Toulousaine ; 6+6 a
Elle pleure, elle fuit des cieux la pourpre et l’or. 6+6 b
15 Ne l’entendez-vous pas gémir, gémir encor, 6+6 b
Appelant un écho triste comme sa peine ? 6+6 a
Écoutez ! écoutez ! Le voile du malheur 6+6 a
Intercepte l’éclat de l’astre de la France, 6+6 b
Et la douce Espérance, 6 b
20 En retournant aux cieux, jette un cri de terreur. 6+6 a
De ronces, de cyprès à jamais couronnée, 6+6 a
Aux regrets condamnée, 6 a
Ma lyre en sons confus révèle mes douleurs, 6+6 a
Et le Temps me promet des pleurs, toujours des pleurs. 6+6 a
25 Henri, le grand Henri !… Quel douloureux murmure 6+6 a
S’élève autour de moi ? 6 b
Henri ! ton nom m’échappe, et toute la nature 6+6 a
A tressailli d’effroi. 6 b
Orgueil du sol français, la noble fleur tome 6+6 a
30 N’y renaîtra jamais ! 6 b
Sous la faux de la mort sa tête s'est courbée ; 6+6 a
Le monde pleure ; il pleure… Henri seul est en paix. 6+6 b
Aux régions du ciel sa grande âme envoe 6+6 a
De son dernier soupir a rempli l’univers ; 6+6 b
35 Et l’univers n’est plus qu’une triste vallée 6+6 a
Que le ciel abandonne au souffle des pervers. 6+6 b
Henri ! toi qui régnas pour la gloire du monde, 6+6 a
Le trône, en te portant, s’ennoblissait encor. 6+6 b
Telle est du diamant la richesse féconde, 6+6 a
40 En lui prêtant ses feux il enorgueillit l’or. 6+6 b
La terre, en frémissant au bruit de tes armées, 6+6 a
Te reconnut pour maître et nomma son vainqueur. 6+6 b
Les Vertus t’attendaient ; elles étaient formées 6+6 a
Pour habiter ton cœur. 6 b
45 Soutiens ma lyre, ô Vérité charmante ! 4+6 a
Henri, le grand Henri ne craint pas ton miroir ; 6+6 b
De ce roi, tout amour, tu fus la noble amante. 6+6 a
Oh ! dans le cœur des rois qu’il est beau de te voir ! 6+6 b
Tu ne le suivras plus au milieu des batailles ; 6+6 a
50 Mais viens, comme une veuve au tombeau de son roi : 6+6 b
Suspends par tes récits l’horreur des funérailles, 6+6 a
Je ne veux chanter qu’après toi. 8 b
Quand le ciel, irri de leur plainte importune, 6+6 a
De la guerre aux humains imposa le fardeau, 6+6 b
55 Henri, que fatiguaient les yeux de la Fortune, 6+6 a
En poursuivant l’ingrate arracha son bandeau. 6+6 b
Ses ennemis tombaient comme atteints de la foudre : 6+6 a
Ainsi le verre éclate et se réduit en poudre. 6+6 a
Il désarma le Ciel, il étonna le Sort, 6+6 a
60 Il enchaîna la Mort. 6 a
L’implacable arbalétrière, 8 a
Assise et menaçante au milieu des débris, 6+6 b
Agitait dans ses mains sa flèche meurtrière, 6+6 a
Et la Peur en porta la nouvelle à Paris. 6+6 b
65 Elle dit : « Je l’ai vu ! Tel un lion s’élance, 6+6 a
Épouvante les loups, les soumet, les retient. 6+6 b
De mille bras ligués il fait tomber la lance ; 6+6 a
C’est l’Hercule qui brise, et l’Atlas qui soutient ; 6+6 b
C’est Henri, fuyez tous ! » On vole à son passage, 6+6 a
70 On l’implore ; il sourit, et le ciel se dégage, 6+6 a
Et la France respire, et le roi troubadour 6+6 a
Chante, sous des lauriers, Gabrielle et l’Amour. 6+6 a
Mais quel monstre se glisse et s’avance dans l’ombre ? 6+6 a
Échappé de l’enfer, il brûle d’un feu sombre ; 6+6 a
75 Il siffle, il roule, il rampe aux pieds de la vertu. 6+6 a
Henri se penche, et meurt sans avoir combattu ! 6+6 a
Vérité ! pour accents tu n’as plus que des larmes ; 6+6 a
L’avenir te répond par un long cri d’alarmes. 6+6 a
D’un roi clément, d’un père, on prépare le deuil, 6+6 a
80 Et ma lyre se brise au pied de son cercueil. 6+6 a
mètre profils métriques : 6, 8, 6+6, (4+6)
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