POÉSIES DIVERSES |
UNE MÈRE |
IMITATION DE SHAKSPEARE |
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On accourt, on veut voir la mère infortunée |
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D’Arthur ; et la Pitié muette, consternée, |
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Pleure, et n’ose répondre à ses profonds sanglots ; |
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Et la prison mobile emporte sur les flots |
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Arthur, le jeune Arthur, l’espoir de son veuvage, |
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Cet enfant-roi tombé dans l’esclavage. |
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Inconsolable, errante aux rivages déserts, |
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De longs gémissements elle frappe les airs, |
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Comme un aigle éperdu à son nid enlevée, |
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Quand le lâche vautour, usurpateur affreux, |
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Cherchant un festin ténébreux, |
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Dans l’ombre a dévoré la royale couvée. |
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Sur le sable où la nuit répand un voile obscur |
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L’Écho mourant répond : Arthur ! mon cher Arthur !… |
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Un heureux de la terre, un sage, un insensible, |
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Ne voit dans ses clameurs qu’un fol égarement ; |
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Pâle, elle ouvre les yeux, le regarde un moment, |
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Et repousse en ces mots cette voix inflexible : |
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« Il me parle ! et jamais il n’a connu mon fils ; |
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Il n’entend pas mon âme, il me croit insensée. |
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Eh ! que me rendra-t-il pour tous mes biens ravis ? |
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Que dit-il ?… Je ne sais, mais sa voix m’a blessée. |
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Oh ! tais-toi ! J’aime mieux écouter ma douleur ; |
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Elle parle d’Arthur, elle a ses jeunes charmes, |
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Elle a ses derniers cris, ses sanglots et ses larmes, |
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Ses suppliantes mains, son effroi, sa pâleur ; |
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Elle est… ce qu’il était ! Oui, cette ombre fidèle |
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Au milieu de la nuit me réveille, m’appelle, |
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M’embrasse et m’apparaît avec ses traits chéris. |
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Laisse-moi l’adorer, elle me rend mon fils ; |
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Elle me rend sa voix ! Je l’écoute, je pleure ; |
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Je la suis comme Arthur, au son triste de l’heure ; |
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Et sous son vêtement, quand je l’ai rencontré, |
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Elle m’en a fait voir le fantôme adoré. |
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« Toi, tu n’as pas de fils, je le vois, j’en suis sûre : |
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Effrayé pour toi-même et plaignant ma blessure, |
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Tu te fondrais en pleurs, tu ne pourrais parler. |
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Non ! tu n’as pas de fils !… peux-tu me consoler ? |
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Toi seul n’es pas ému de mes plaintes amères ; |
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Quand je parle d’Arthur, tout m’entend, tout frémit. |
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Les Anges attentifs pleurent aux cris des mères ; |
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Dieu même en les frappant les regarde et gémit ; |
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Il est père ! il est Dieu. Dans sa miséricorde, |
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Il forme de nos pleurs l’espoir qu’il nous accorde : |
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On m’a volé mon fils, et Dieu me le rendra. |
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Mais ici… plus jamais nous n’y serons ensemble. |
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On m’a volé mon fils, on l’emmène… il mourra… |
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Et je ne verrai plus d’enfant qui lui ressemble ! |
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« Que ne suis-je insensée !… en mes rêves confus |
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Je serais, comme toi, froide, austère, farouche ; |
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Et le doux nom d’Arthur, exilé de ma bouche, |
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Fuirait de ma mémoire, et je n’aimerais plus ! |
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Je préfère la mort à ce songe immobile ; |
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Je veux aimer toujours ce que j’ai tant aimé, |
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Arthur, mon cher Arthur, qu’en ta pitié stérile |
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Tu ne m’as pas nommé ! |
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« Oh parle-moi d’Arthur !… Mais tu ne peux m’entendre. |
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Hélas ! ce que le ciel a formé de plus tendre, |
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Son miracle d’amour, est-il connu de toi ? |
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C’est le cœur d’une mère, et je le porte en moi, |
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Et je n’ai plus d’enfant ! et sa grâce enchaînée, |
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Et ses pas inégaux, que je guidais encore, |
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Loin de ma destinée, |
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Ont emporté son sort ! |
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Et ce bel arbrisseau, dont la tige brisée |
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Promettait à ma vie un ombrage si beau, |
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Va languir sans amour, sans soleil, sans rosée, |
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Sans fleur pour mon tombeau !… |
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Va ! je ne suis pas insensée ! |
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« Ma raison tout entière éclate dans mes pleurs ; |
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Elle approuve, elle ordonne, elle accroît mes douleurs, |
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Et c’est un crime à toi de la dire éclipsée. |
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Qui donc était sa mère ?… Oh ! moi !… c’était bien moi ; |
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Ces pleurs… ce sont mes pleurs qui tombent devant toi ; |
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Peux-tu les démentir ? Sans joie et sans parure |
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Comme un saule mourant traîne sa chevelure, |
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Vois mon front se courber : sous ce voile de deuil, |
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C’est la mère d’Arthur qui se traîne au cercueil. |
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Suis-je insensée ? Eh bien ! à ce nom qu’on lui donne, |
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C’est la mère d’Arthur qui meurt et qui pardonne ; |
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Et si tu n’es ému, si ton cœur est glacé, |
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Va, c’est toi qu’il faut plaindre et nommer insensé ! |
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« Et vous qui me disiez, dans vos leçons pieuses, |
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Qu’au delà du tombeau Dieu nous rend nos amours, |
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Ma mère, ouvrez les cieux, vos mains religieuses |
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Vont recevoir mon fils ; gardez-le moi toujours ! |
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J’irai bientôt, bientôt… Mais si l’affreuse envie |
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Veut le faire périr, |
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Souffrant, décoloré, détruit, il va mourir ; |
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Je méconnaîtrai donc mon sang, ma propre vie ! |
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Arrachez-moi le cœur, ou cet horrible effroi ; |
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Vous tous qui m’écoutez, sauvez-le, sauvez-moi ! |
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Otez-moi ces bandeaux qui pèsent sur ma tête ; |
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Je veux m’enfuir… Laissez… Non, que rien ne m’arrête, |
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Laissez-moi l’appeler, n’étouffez pas mes cris ; |
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Mon Arthur ! mon enfant ! mon univers ! mon fils !…» |
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