Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
CRO_2/CRO116
Charles CROS
LE COLLIER DE GRIFFES
1908
VISIONS
Évocation
J'ai longtemps écouté | tes doux chuchotements, 6+6 a
Muse ou démon des jours | actuels. Mais tu mens ! 6+6 a
Venez Nymphes, avec | vos longues chevelures ; 6+6 b
Chantez, rossignols morts | jadis dans les ramures, 6+6 b
5 Parfums d'avant, parfums | des là-bas : mon ennui 6+6 a
Veut s'oublier, en vous, | des odeurs d'aujourd'hui. 6+6 a
Venez Sylvains, venez | Faunes, venez Dryades ! 6+6 b
Nous avons tant souffert | de vivre en ces temps fades. 6+6 b
Venez Dryades et | Sylvains ! dansez en ronds 6+6 a
10 Sur les pelouses ! Viens, | Bacchus, et nous rirons 6+6 a
Viens ! Que fais-tu là-bas, | dans le fond de l'Asie ? 6+6 b
Tes femmes soûles, et | tes tigres ?… fantaisie 6+6 b
De vétyver, de musc, | de bétel, de santal ; 6+6 a
Ces femmes avec leurs | parures de métal, 6−6 a
15 Ces rubis, ces saphirs, | ces fleurs, poison qui berce, 6+6 b
Ne valent pas l'Europe | impassible et perverse. 6+6 b
Viens ! Voici se dresser | le grand chêne, le pin ; 6+6 a
Viens au pays heureux | du vin frais, du bon pain. 6+6 a
Voici l'Hellade ! Nous | allons avoir des fêtes 6−6 b
20 Plus claires que les plus | beaux rêves des prophètes. 6+6 b
Viens donc voir ces ruisseaux, | ce ciel, ces oliviers, 6+6 a
Ces monts où l'on a pris | les marbres enviés. 6+6 a
Promenons-nous. Vois donc | ces hommes et ces femmes 6+6 b
Dont resteront toujours | les formes et les âmes ; 6+6 b
25 Les femmes, à travers | le rideau des roseaux, 6+6 a
Qui nagent, en jasant | plus haut que les oiseaux ; 6+6 a
Les hommes, récitant | des vers sous les portiques, 6+6 b
S'interrompent avec | des riantes critiques. 6+6 b
Ils suivent le chemin | que bordent les tombeaux, 6+6 a
30 Car dans ce pays-ci, | les morts même sont beaux ; 6+6 a
Et Platon, à travers | sa barbe aux ondes blondes, 6+6 b
Mélodieusement, | dit la chanson des mondes. 6+6 b
Praxitèle s'en va, | là-bas, avec Vénus 6+6 a
Qu'il a sculptée et qui | lui doit bien ses seins nus… 6+6 a
35 Au marché, coloré | de citrons, de tomates, 6+6 b
Vois ces marchandes au | nez droit, aux pâleurs mates ; 6−6 b
Aristophane rit | et se querelle avec 6+6 a
Ces fruitières sans honte | au plus pur accent grec. 6+6 a
Assez de vos sachets, | filles de Thessalie ! 6+6 b
40 Allons plus loin, passons | la ruelle salie 6+6 b
Par les trognons de choux | et les cosses de pois. 6+6 a
Allons plus loin encore, | allons dans les endroits 6+6 a
Où la flûte soupire, | où la harpe résonne. 6+6 b
Oh ! ce n'est pas Orphée, | Homère ni personne 6+6 b
45 Qu'on va nous faire entendre | ici, mais des chansons 6+6 a
Qu'on oublie et toujours | qu'on refera. Passons. 6+6 a
Et ces temples et ces | monuments de victoire 6−6 b
Inespérée, à qui | la raison n'eût pu croire ! 6+6 b
Sur ces marbres ambrés, | quels mots rouges lit-on ? 6+6 a
50 Morts à Platée, | à Salamine, | à Marathon ! 4+4+4 a
Ce sont les souvenirs | immortels des batailles 6+6 b
Où dix mille Athéniens — | soit dix mille canailles, 6+6 b
Tuèrent par hasard | cent mille bons Persans 6+6 a
Bien armés, bien nourris, | bien rangés, bien pesants. 6+6 a
55 L'Agora ! comme on s'y | dispute, on s'y démène ! 6+6 b
Mais je connais trop bien | cette marée humaine ; 6+6 b
Ai-je rêvé, Bacchus ? | Ces paroles, ces cris, 6+6 a
Ces gens d'affaires, ça | me rappelle Paris. 6−6 a
Venez Sylvains, venez | Faunes, venez Dryades ! 6+6 b
60 Venez ! Les jours présents | ne seront plus si fades. 6+6 b
Cravatez-vous, Sylvains ; | Faunes, mettez des gants ; 6+6 a
Dryades, montrez-nous | vos chapeaux arrogants, 6+6 a
Allons souper, Bacchus ! | Paris vaut bien Athènes. 6+6 b
Je quitte sans regrets | mes visions lointaines. 6+6 b
65 Oh ! Berce-moi toujours | de tes chuchotements, 6+6 a
Muse ou démon des jours | actuels et charmants. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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