Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
CRB_1/CRB35
Tristan CORBIÈRE
LES AMOURS JAUNES
1873
LES AMOURS JAUNES
LE POÈTE CONTUMACE
Sur la côte d'ARMOR,Un ancien vieux couvent, 6+6 a
Les vents se croyaient làdans un moulin-à-vent, 6+6 a
 Et les ânes de la contrée, 8 a
Au lierre râpé,venaient râper leurs dents 6+6 b
5 Contre un mur si trouéque, pour entrer dedans, 6+6 b
 On n'aurait pu trouver l'entrée. 8 a
— Seul — mais toujours deboutavec un rare aplomb, 6+6 a
Crénelé comme lamâchoire d'une vieille, 6−6 b
Son toit à coups-de-poingsur le coin de l'oreille, 6+6 b
10 Aux corneilles bayant,se tenait le donjon, 6+6 a
Fier toujours d'avoir eu,dans le temps, sa légende 6+6 a
Ce n'était plus qu'un nidà gens de contrebande, 6+6 a
Vagabonds de nuit,amoureux buissonniers, 6+6 a
Chiens errants, vieuxrats, fraudeurs etdouaniers. 4+4+4 a
15 Aujourd'hui l'hôte étaitde la borgne tourelle, 6+6 a
Un Poète sauvage,avec un plomb dans l'aile, 6+6 a
Et tombé là parmiles antiques hiboux 6+6 a
Qui l'estimaient d'en haut.Il respectait leurs trous, — 6+6 a
Lui, seul hibou payant,comme son bail le porte : 6+6 a
20 Pour vingt-cinq écus l'an,dont : remettre une porte. — 6+6 a
Pour les gens du pays,il ne les voyait pas : 6+6 a
Seulement, en passant,eux regardaient d'en bas, 6+6 a
 Se montrant du nez sa fenêtre ; 8 a
Le curé se doutaitque c'était un lépreux ; 6+6 b
25 Et le maire disait :— Moi, qu'est-ce que j'y peux, 6+6 b
 C'est plutôt un Anglais … un Être. 8 a
Les femmes avaient susans doute par les buses, 6+6 a
Qu'il vivait enconcubinageavec des Muses ! 4+4+4 a
Un hérétique enfinQuelque Parisien 6+6 a
30 De Paris ou d'ailleurs.— Hélas ! on n'en sait rien. — 6+6 a
Il était invisible ;et, comme ses Donzelles 6+6 a
Ne s'affichaient pas trop,on ne parla plus d'elles. 6+6 a
— Lui, c'était simplementun long flâneur, sec, pâle ; 6+6 a
Un ermite-amateur,chassé par la rafale 6+6 a
35 Il avait trop aiméles beaux pays malsains 6+6 a
Condamné des huissiers,comme des médecins, 6+6 a
Il avait posé là,seul et cherchant sa place 6+6 a
Pour mourir seul ou pourvivre par contumace 6−6 a
 Faisant, d'un à-peu-près d'artiste, 8 a
40  Un philosophe d'à peu près, 8 b
 Râleur de soleil ou de frais, 8 b
 En dehors de l'humaine piste. 8 a
Il lui restait encoreun hamac, une vielle, 6+6 a
Un barbet qui dormaitsous le nom de Fidèle ; 6+6 a
45 Non moins fidèle était,triste et doux comme lui, 6+6 a
Un autre compagnonqui s'appelait l'Ennui. 6+6 a
Se mourant en sommeil,il se vivait en rêve. 6+6 a
Son rêve était le flotqui montait sur la grève, 6+6 a
 Le flot qui descendait ; 6 a
50 Quelquefois, vaguement,il se prenait attendre 6+6 b
Attendre quoi … le flotmonter — le flot descendre 6+6 b
 Ou l'Absente… Qui sait ? 6 a
Le sait-il bien lui-même ?Au vent de sa guérite, 6+6 a
A-t-il donc oubliécomme les morts vont vite, 6+6 a
55 Lui, ce viveur vécu,revenant égaré, 6+6 a
Cherche-t-il son follet,à lui, mal enterré ? 6+6 a
— Certe, Elle n'est pas loin,celle après qui tu brames, 6+6 a
O Cerf de Saint-Hubert !Mais ton front est sans flammes… 6+6 a
N'apparais pas, mon vieux,triste et faux déterré 6+6 a
60 Fais le mort si tu peux…Car Elle t'a pleuré ! 6+6 a
Est-ce qu'il pouvait, Lui !… n'était-il pas poète 6+6 a
Immortel comme un autre ?Et dans sa pauvre tête 6+6 a
Déménagée, encoril sentait que les vers 6+6 a
Hexamètres faisaientles cent pas de travers. 6+6 a
65 — Manque de savoir-vivreextrêmeil survivait — 6+6 a
Et — manque de savoir-mourir — il écrivait : 6−6 a
« C'est un être passéde cent lunes, ma Chère, 6+6 a
En ton cœur poétique,à l'état légendaire. 6+6 a
Je rime, donc je vis …ne crains pas, c'est à blanc. 6+6 a
70 Une coquille d'huîtreen rupture de banc ! — 6+6 a
Oui, j'ai beau me palper :c'est moi ! — Dernière faute 6+6 a
En route pour les cieux —car ma niche est si haute ! — 6+6 a
Je me suis demandé,prêt à prendre l'essor : 6+6 a
Tête ou pile … — Et voilàje me demande encor… » 6+6 a
75 « C'est à toi que je fismes adieux à la vie, 6+6 a
A toi qui me pleuras,jusqu'à me faire envie 6+6 a
De rester me pleureravec toi. Maintenant 6+6 a
C'est joué, je ne suisqu'un gâteux revenant, 6+6 a
En os et … (j'allais direen chair). — La chose est sûre 6+6 a
80 C'est bien moi, je suis làmais comme une rature. » 6+6 a
« Nous étions amateursde curiosité : 6+6 a
Viens voir le Bibelot.— Moi j'en suis dégté. — 6+6 a
Dans mes dégts surtout,j'ai des gts élégants ; 6+6 a
Tu sais : j'avais lâchéla Vie avec des gants ; 6+6 a
85 L'Autre n'est pas même àprendre avec des pincettes … 6−6 a
Je cherche au mannequinde nouvelles toilettes. » 6+6 a
« Reviens m'aider : Tes yeuxdans ces yeux-là ! Ta lèvre 6+6 a
Sur cette lèvre !… Et, là,ne sens-tu pas ma fièvre 6+6 a
— Ma fièvre de Toi ?… — Sous l'orbe est-il passé 6+6 a
90 L'arc-en-ciel au charbonpar nos nuits laissé ? 6+6 a
Et cette étoile ?… — Oh ! va,ne cherche plus l'étoile 6+6 a
 Que tu voulais voir à mon front ; 8 b
 Une araignée a fait sa toile, 8 a
 Au même endroit — dans le plafond. » 8 b
95 « Je suis un étranger.— Cela vaut mieux peut-être 6+6 a
Eh bien ! non, viens encorun peu me reconntre ; 6+6 a
Comme au bon saint Thomas,je veux te voir la foi, 6+6 a
Je veux te voir toucherla plaie et dire : — Toi ! » — 6+6 a
« Viens encor me finir —c'est très gai : De ta chambre, 6+6 a
100 Tu verras mes moissons —Nous sommes en décembre 6+6 a
Mes grands bois de sapin,les fleurs d'or des genêts, 6+6 a
Mes bruyères d'Armor …en tas sur les chenets. 6+6 a
Viens te gorger d'air pur —Ici j'ai de la brise 6+6 a
Si franche !… que le boutde ma toiture en frise. 6+6 a
105 Le soleil est si doux …— qu'il gèle tout le temps. 6+6 a
Le printemps… — Le printempsn'est-ce pas tes vingt ans. 6+6 a
On n'attend plus que toi,vois : déjà l'hirondelle 6+6 a
Se poseen fer rouillé,clouée à ma tourelle. — 6+6 a
Et bientôt nous pourronscueillir le champignon 6+6 a
110 Dans mon escalierque doreun lumignon. 6+6 a
Dans le mur qui verdoieexiste une pervenche 6+6 a
Sèche. — … Et puis nous ironsà l'eau faire la planche 6+6 a
— Planches d'épave au sec —comme moi — sur ces plages. 6+6 a
La Mer roucoule saBerceuse pour naufrages ; 6−6 a
115 Barcarolle du soir …pour les canards sauvages. » 6+6 a
« En Paul et Virginie,et virginaux — veux-tu 6+6 a
Nous nous mettrons au vertdu paradis perdu 6+6 a
Ou Robinson avecVendredi — c'est facile 6+6 a
La pluie a déjà fait,de mon royaume, une île. » 6+6 a
120 « Si pourtant, près de moi,tu crains la solitude, 6+6 a
Nous avons des amis,sans fard — Un braconnier ; 6+6 b
Sans compter un cabanbleu qui, par habitude, 6+6 a
Fait toujours les cent-paset contient un douanier 6+6 b
Plus de clercs d'huissier !J'ai le clair de la lune, 6+6 a
125 Et des amis pierrotsamoureux sans fortune. » 6+6 a
— « Et nos nuits !… Belles nuitspour l'orgie à la tour ! 6+6 a
Nuits à la Roméo !— Jamais il ne fait jour. — 6+6 a
La Nature au réveil —réveil de déchnée 6+6 a
Secouant son drap blanc …éteint ma cheminée. 6+6 a
130 Voici mes rossignols …rossignols d'ouragans — 6+6 a
Gais comme des poinçons —sanglots de chats-huans ! 6+6 a
Ma girouette dérouilleen haut sa tyrolienne 6+6 a
Et l'on entend gémirma porte éolienne, 6+6 a
Comme chez saint Antoineen sa tentation 6+6 a
135 Oh viens ! joli Suppôtde la séduction ! » 6+6 a
— « Hop ! les rats du grenierdansent des farandoles ! 6+6 a
Les ardoises du toitroulent en castagnoles ! 6+6 a
Les Folles-du-logis…
Non, je n'ai plus de Folles ! » 6+6 a
… « Comme je revendraisma dépouille à Satan 6+6 a
140 S'il me tentait avecun petit Revenant… 6+6 a
— Toi — Je te vois partout,mais comme un voyant blême, 6+6 a
Je t'adoreEt c'est pauvre :adorer ce qu'on aime ! 6+6 a
Apparais, un poignarddans le cœur ! — Ce sera, 6+6 a
Tu sais bien, comme dansInès de La Sierra 6−6 a
On frappeoh ! c'est quelqu'un
145 Hélas ! oui, c'est un rat. » 6+6 a
— « Je rêvasseet toujoursc'est Toi. Sur toute chose, 6+6 a
Comme un esprit follet,ton souvenir se pose : 6+6 a
Ma solitudeToi ! — Mes hiboux à l'œil d'or : 6+6 a
Toi ! — Ma girouette folle :Oh Toi !… — Que sais-je encor, 6+6 a
150 Toi : mes volets ouvrantles bras dans la tempête 6+6 a
Une lointaine voix :c'est Ta chanson ! — c'est fête !… 6+6 a
Les rafales fouaillantTon nom perdu — c'est bête 6+6 a
C'est bête, mais c'est Toi !Mon cœur au grand ouvert 6+6 a
 Comme mes volets en pantenne, 8 b
155  Bat, tout affolé sous l'haleine 8 b
 Des plus bizarres courants d'air. » 8 a
« Tiens … une ombre portée,un instant, est venue 6+6 a
Dessiner ton profilsur la muraille nue, 6+6 a
Et j'ai tourné la têteEspoir ou souvenir — 6+6 a
160 Ma Sœur Anne, à la tour,voyez-vous pas venir ? »… 6+6 a
— « Rien ! — je vois … je vois,dans ma froide chambrette, 6+6 a
Mon lit capitonnéde satin de brouette ; 6+6 a
Et mon chien qui dortdessus — Pauvre animal — 6+6 a
Et je ris … parce queça me fait un peu mal. » 6+6 a
165 « J'ai pris, pour t'appeler,ma vielle et ma lyre. 6+6 a
Mon cœur fait de l'esprit —le sot — pour se leurrer 6+6 b
Viens pleurer, si mes versont pu te faire rire ; 6+6 a
 Viens rire, s'ils t'ont fait pleurer… » 8 b
« Ce sera drôle… Viensjouer à la misère, 6+6 a
170 D'après nature : — Un cœuravec une chaumière. — 6+6 a
Il pleut dans mon foyer,il pleut dans mon cœur feu. 6+6 a
Viens ! Ma chandelle est morteet je n'ai plus de feu… » 6+6 a
*
Sa lampe se mourait.Il ouvrit la fenêtre. 6+6 a
Le soleil se levait.Il regarda sa lettre, 6+6 a
175 Rit et la déchiraLes petits morceaux blancs, 6+6 a
Dans la brume, semblaientun vol de goélands. 6+6 a
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