Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
COR_1/COR34
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE PREMIER
CHAPITRE II
Du feu d'estime de soi-même.
Le desir de savoir | est naturel aux hommes : 6+6 a
Il naît dans leur berceau | sans mourir qu'avec eux ; 6+6 b
Mais, ô Dieu, dont la main | nous fait ce que nous sommes, 6+6 a
Que peut-il sans ta crainte | avoir de fructueux ? 6+6 b
5 Un paysan stupide | et sans expérience, 6+6 a
Qui ne sait que t'aimer | et n'a que de la foi, 6+6 b
Vaut mieux qu'un philosophe | enflé de sa science, 6+6 a
Qui pénètre les cieux, | sans réfléchir sur soi. 6+6 b
Qui se connoît soi-même | en a l'âme peu vaine, 6+6 a
10 Sa propre connoissance | en met bien bas le prix ; 6+6 b
Et tout le faux éclat | de la louange humaine 6+6 a
N'est pour lui que l'objet | d'un généreux mépris. 6+6 b
Au grand jour du seigneur | sera-ce un grand refuge 6+6 a
D'avoir connu de tout | et la cause et l'effet ? 6+6 b
15 Et ce qu'on aura su | fléchira-t-il un juge 6+6 a
Qui ne regardera | que ce qu'on aura fait ? 6+6 b
Borne tous tes desirs | à ce qu'il te faut faire ; 6+6 a
Ne les porte plus trop | vers l'amas du savoir ; 6+6 b
Les soins de l'acquérir | ne font que te distraire, 6+6 a
20 Et quand tu l'as acquis, | il peut te décevoir. 6+6 b
Les savants d'ordinaire | aiment qu'on les regarde, 6+6 a
Qu'on murmure autour d'eux : | « voilà ces grands esprits ! » 6+6 b
Et s'ils ne font du cœur | une soigneuse garde, 6+6 a
De cet orgueil secret | ils sont toujours surpris. 6+6 b
25 Qu'on ne s'y trompe point : | s'il est quelques sciences 6+6 a
Qui puissent d'un savant | faire un homme de bien, 6+6 b
Il en est beaucoup plus | de qui les connoissances 6+6 a
Ne servent guère à l'âme, | ou ne servent de rien. 6+6 b
Par là tu peux juger | à quels périls s'expose 6+6 a
30 Celui qui du savoir | fait son unique but, 6+6 b
Et combien se méprend | qui songe à quelque chose 6+6 a
Qu'à ce qui peut conduire | au chemin du salut. 6+6 b
Le plus profond savoir | n'assouvit point une âme ; 6+6 a
Mais une bonne vie | a de quoi la calmer, 6+6 b
35 Et jette dans le cœur | qu'un saint desir enflamme 6+6 a
La pleine confiance | au Dieu qu'il doit aimer. 6+6 b
Au reste, plus tu sais, | et plus a de lumière 6+6 a
Le jour qui se répand | sur ton entendement, 6+6 b
Plus tu seras coupable | à ton heure dernière, 6+6 a
40 Si tu n'en as vécu | d'autant plus saintement. 6+6 b
La vanité par là | ne te doit point surprendre : 6+6 a
Le savoir t'est donné | pour guide à moins faillir ; 6+6 b
Il te donne lui-même | un plus grand compte à rendre, 6+6 a
Et plus lieu de trembler | que de t'enorgueillir. 6+6 b
45 Trouve à t'humilier | même dans ta doctrine : 6+6 a
Quiconque en sait beaucoup | en ignore encor plus, 6+6 b
Et qui sans se flatter | en secret s'examine 6+6 a
Est de son ignorance | heureusement confus. 6+6 b
Quand pour quelques clartés | dont ton esprit abonde 6+6 a
50 Ton orgueil à quelque autre | ose te préférer, 6+6 b
Vois qu'il en est encor | de plus savants au monde, 6+6 a
Qu'il en est que le ciel | daigne mieux éclairer. 6+6 b
Fuis la haute science, | et cours après la bonne : 6+6 a
Apprends celle de vivre | ici-bas sans éclat ; 6+6 b
55 Aime à n'être connu, | s'il se peut, de personne, 6+6 a
Ou du moins aime à voir | qu'aucun n'en fasse état. 6+6 b
Cette unique leçon, | dont le parfait usage 6+6 a
Consiste à se bien voir | et n'en rien présumer, 6+6 b
Est la plus digne étude | où s'occupe le sage 6+6 a
60 Pour estimer tout autre, | et se mésestimer. 6+6 b
Si tu vois donc un homme | abîmé dans l'offense, 6+6 a
Ne te tiens pas plus juste | ou moins pécheur que lui : 6+6 b
Tu peux en un moment | perdre ton innocence, 6+6 a
Et n'être pas demain | le même qu'aujourd'hui. 6+6 b
65 Souvent l'esprit est foible | et les sens indociles, 6+6 a
L'amour-propre leur fait | ou la guerre ou la loi ; 6+6 b
Mais bien qu'en général | nous soyons tous fragiles, 6+6 a
Tu n'en dois croire aucun | si fragile que toi. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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