Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
COP_5/COP138
François COPPÉE
Sonnets intimes et Poèmes inédits
1925
DEUXIÈME PARTIE
ALLONS, POÈTE, IL FAUT EN PRENDRE TON PARTI !
Allons, poète, il faut en prendre ton parti ! 6+6 a
Tu n’as pas fait songer, et tu n’as converti 6+6 a
Personne à ton amour pour les vertus obscures ; 6+6 b
Tes poèmes naïfs peuplés d’humbles figures 6+6 b
5 N’ont pas le don de plaire aux heureux d’ici-bas ; 6+6 a
Ton livre les étonne et ne se lira pas. 6+6 a
Le monde, vois-tu bien, ne s’intéresse guère 6+6 b
A ce milieu mesquin, trivial et vulgaire ; 6+6 b
Malgré la sympathie, on est un peu surpris. 6+6 a
10 Crois-moi, n’y reviens plus — Personne n’a compris 6+6 a
Qu’un lettré, qu’un ami de l’art et de l’étude 6+6 b
Eût, pour ces gens de peu, tant de sollicitude. 6+6 b
— Diable ! Cela n’est pas d’un esprit distingué. 6+6 a
Traiter de tels sujets en vers ! — On est choqué. 6+6 a
15 Là, franchement, comment veux-tu qu’on s’attendrisse 6+6 b
Sur l’ennuyeux exil d’une pauvre nourrice ? 6+6 b
Veux-tu faire pleurer avec le dévouement 6+6 a
D’un petit emplo de l’enregistrement ? 6+6 a
Prends garde, je connais chez toi cette tendance. 6+6 b
20 Autrefois n’as-tu pas eu l’extrême imprudence 6+6 b
De conter, sans aucune ironie, à dessein, 6+6 a
Les amours d’une bonne avec un fantassin ! 6+6 a
Parler d’un épicier dans la langue de l’ode, 6+6 b
C’est monstrueux. Tu vois, une femme à la mode 6+6 b
25 Te l’a dit, sans y mettre aucune passion, 6+6 a
Que c’était, à la fin, de l’affectation. 6+6 a
Elle eût pu dire encor que cet art réaliste 6+6 b
Sent un peu l’envieux et le socialiste, 6+6 b
Et te fera bientôt regarder de travers ; 6+6 a
30 Que ceux qui pour trois francs achèteront des vers 6+6 a
Sont des gens de loisir, ayant de la fortune, 6+6 b
Que ton étrange amour des humbles importune, 6+6 b
Et qu’au lecteur qui sort en voiture il messied 6+6 a
De parler si souvent de ceux qui vont à pied. 6+6 a
35 Soit, je suis condamné. Mais mon livre est sincère. 6+6 b
J’ai cru qu’il était sain, qu’il était nécessaire, 6+6 b
— A cette heure où, sentant se réveiller en eux 6+6 a
Leurs appétits rivaux et leurs instincts haineux, 6+6 a
Les hommes des deux camps, haut monde et populace, 6+6 b
40 Prétendent par le fer se disputer la place ; 6+6 b
A cette heure où mon pied qui fouille le pa 6+6 a
Pourrait glisser encor dans le sang mal lavé, 6+6 a
Où les assassinats, les vols, les sacrilèges 6+6 b
Viennent de cimenter tous les vieux privilèges 6+6 b
45 J’ai cru, dis-je, j’ai cru qu’il pouvait être utile, 6+6 a
Au milieu des écrits que la haine distille, 6+6 a
Des cris injurieux et des mots provocants 6+6 b
Que se jettent de part et d’autre les deux camps, 6+6 b
De publier, parmi la fureur générale, 6+6 a
50 Un livre familier, sans phrases, sans morale, 6+6 a
Sans politique aucune, et tout d’apaisement, 6+6 b
Qui dirait à l’heureux du monde, simplement, 6+6 b
Que ce peuple qu’il voit passer sous sa fenêtre, 6+6 a
Ce peuple qu’il méprise et ne veut pas connaître, 6+6 a
55 Conserve plus d’un bon sentiment ignoré ; 6+6 b
Et qui dirait encore au pauvre, à l’égaré, 6+6 b
Que, dans l’adversité, le meilleur, le plus digne, 6+6 a
Le plus grand, est toujours celui qui se résigne ; 6+6 a
Qui dirait tout cela sans trop en avoir l’air, 6+6 b
60 Par de simples récits, dans un langage clair 6+6 b
Et qui dégageraient une bonne atmosphère. 6+6 a
— Ce livre, j’ai ten seulement de le faire, 6+6 a
Et je l’ai bien mal fait, puisqu’on n’a pas compris. 6+6 b
Comme ceux dont il parle, au milieu du mépris, 6+6 b
65 Sa bonne intention sans doute ira s’éteindre ; 6+6 a
Et tout ce qu’il voulait faire aimer, faire plaindre, 6+6 a
Rentrera pour toujours dans son obscuri 6+6 b
Comme l’humble rêveur qui l’a si mal chanté. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université