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Sébastien-Roch-Nicolas de CHAMFORT
ŒUVRES COMPLÈTES
(POÉSIES)
1851
POÉSIES DIVERSES
LE PARADIS
L’autre monde, Zelmis, | est un monde inconnu, 6+6 a
Où s’égare notre pensée ; 8 b
D’y voyager sans fruit | la mienne s’est lassée ; 6+6 b
Pour toujours j’en suis revenu. 8 a
5 J’ai vu, dans ce pays des fables, 8 c
Les divers paradis | qu’imagina l’erreur : 6+6 d
Il en est bien peu d’agréables ; 8 c
Aucun n’a satisfait | mon esprit et mon cœur. 6+6 d
Vous mourez, nous dit Pythagore ; 8 e
10 Mais sous un autre nom | vous renaissez encore, 6+6 e
Et ce globe à jamais | est par vous habité. 6+6 f
Crois-tu nous consoler | par ce triste mensonge, 6+6 g
Philosophe imprudent | et jadis trop vanté ? 6+6 f
Dans un nouvel ennui | ta fable nous replonge. 6+6 g
15 Mais à notre avantage | on dit la vérité. 6+6 f
Celui-là mentit avec grâce, 8 h
Qui créa l’Élysée | et les eaux du Léthé. 6+6 f
Mais dans cet asile enchanté, 8 f
Pourquoi l’amour heureux | n’a-t-il pas une place ? 6+6 h
20 Aux douces voluptés | pourquoi l’a-t-on fermé ? 6+6 f
Du calme et du repos | quelquefois on se lasse ; 6+6 h
On ne se lasse point | d’aimer et d’être aimé. 6+6 f
Le dieu de la Scandinavie, 8 i
Odin, pour plaire à ses guerriers, 8 f
25 Leur promettait, dans l’autre vie, 8 i
Des armes, des combats | et de nouveaux lauriers. 6+6 f
Attaché dès l’enfance | aux drapeaux de Bellone, 6+6 k
J’honore la valeur, | à d’Estaing j’applaudis ; 6+6 l
Mais je pense qu’en paradis 8 l
30 On ne doit plus tuer personne. 8 k
Un noble espoir séduit | le nègre infortuné, 6+6 f
Qu’un marchand arracha | des déserts de l’Afrique. 6+6 m
Courbé sous un joug despotique, 8 m
Dans un long esclavage | il languit enchaîné. 6+6 f
35 Mais quand la mort propice | a fini ses misères, 6+6 n
Il revole joyeux | au pays de ses pères, 6+6 n
Et cet heureux retour | est suivi d’un repas. 6+6 o
Pour moi, vivant ou mort, | je reste sur vos pas. 6+6 o
Non, Zelmis, après mon trépas, 8 o
40 Je ne chercherai point | les bords qui m’ont vu naître : 6+6 p
Mon paradis ne saurait être 8 p
Aux lieux où vous ne serez pas. 8 o
Jadis au milieu des nuages 8 q
L’habitant de l’Écosse | avait placé le sien. 6+6 r
45 Il donnait à son gré | le calme ou les orages ; 6+6 q
Des mortels vertueux | il cherchait l’entretien ; 6+6 r
Entouré de vapeurs brillantes, 8 s
Couvert d’une robe d’azur, 8 t
Il aimait à glisser | sous le ciel le plus pur, 6+6 t
50 Et se montrait souvent | sous des formes riantes. 6+6 s
Ce passe-temps est assez doux ; 8 u
Mais de ces sylphes, entre nous, 8 u
Je ne veux point grossir le nombre, 8 w
J’ai quelque répugnance | à n’être plus qu’une ombre ; 6+6 w
55 Une ombre est peu de chose, | et les corps valent mieux ; 6+6 x
Gardons-les. Mahomet | eut grand soin de nous dire 6+6 y
Que, dans son paradis, | on entrait avec eux. 6+6 x
Des houris c’est l’heureux empire ; 8 y
Là, les attraits sont immortels ; 8 z
60 Hébé n’y vieillit point ; | la belle Cythérée, 6+6 b
D’un hommage plus doux | constamment honorée, 6+6 b
Y prodigue aux élus | des plaisirs éternels. 6+6 z
Mais je voudrais y voir | un maître que j’adore : 6+6 e
L’Amour qui donne seul | un charme à nos désirs, 6+6 a
65 L’Amour qui donne seul | de la grâce aux plaisirs. 6+6 a
Pour le rendre parfait, | j’y conduirais encore 6+6 e
La tranquille et pure Amitié, 8 f
Et d’un cœur trop sensible | elle aurait la moitié. 6+6 f
Asile d’une paix profonde, 8 b
70 Ce lieu serait alors | le plus beau des séjours ; 6+6 c
Et ce paradis des amours, 8 c
Si vous vouliez, Zelmis, | on l’aurait en ce monde. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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