Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BUS_1/BUS61
Alfred BUSQUET
POÉSIES
1884
TRISTESSES ET JOIES
LE ROUGE-GORGE
Sur les pommiers bossus, | sur les poiriers difformes 6+6 a
Dont les troncs rabougris | prennent toutes les formes, 6+6 a
Le givre, froid brouillard | que congèle la nuit. 6+6 b
Du soir au jour naissant | s’est abattu sans bruit. 6+6 b
5 Les cristaux irisés, | les stalactites blanches 6+6 a
Les ont couverts de fleurs | du sommet jusqu’aux branches 6+6 a
Comme aux beaux jours d’avril, | sous les boutons d’argent 6+6 b
Se couvre leur laideur | d’un luxe intelligent ; 6+6 b
On croirait, à les voir, | sous les neiges glacées. 6+6 a
10 Des spectres effrayans, | de pâles fiancées. 6+6 a
Transfuges du tombeau | qui ne les retient pas 6+6 b
Et qui de loin vers nous | entr’ouvrent les deux bras. 6+6 b
Même on entend parfois, | si quelque branche tombe. 6+6 a
Comme un sanglot humain | s’échappant d’une tombe. 6+6 a
15 La nature se plaint | avec d’étranges sons. 6+6 b
Et comme un vent de mort | il vous prend des frissons. 6+6 b
Sous vos pieds l’herbe pleure, | et la mousse flétrie 6+6 a
Se casse en murmurant | comme une voix qui prie. 6+6 a
Partout c’est le silence | et partout c’est le deuil 6+6 b
20 A faire envie aux morts | glacés dans leur cercueil, 6+6 b
Et n’était la lumière qui se brise et se joue, 13 a
Gomme aux jours enfantins | les roses sur la joue ; 6+6 a
N’était le blond soleil | qui court dans les rameaux 6+6 b
Et fait sous ses baisers | fondre les blancs cristaux, 6+6 b
25 L’homme, désespéré, | sur une terre nue, 6+6 a
Descendrait dans la tombe | en regardant la nue 6+6 a
Dont le front impassible | et l’implacable accord 6+6 b
Ne lui diraient que deuil | et désespoir et mort. 6+6 b
Mais.quelle voix rieuse | à la branche plus haute 6+6 a
30 Dit gaiement son refrain ? | Rouge-gorge, mon hôte. 6+6 a
Doux ami du pinson | et du chardonneret. 6+6 b
J’ai reconnu soudain | ton gosier guilleret. 6+6 b
Dis-moi donc la chanson | que tu veux faire entendre. 6+6 a
Car la mélancolie | à ta voix m’a su prendre. 6+6 a
35 Et nous avons souvent, | quand j’étais écolier. 6+6 b
Tenu sur les buissons | un discours familier : 6+6 b
C’était par des saisons | et des neiges pareilles. 6+6 a
Le merle sans comprendre | ouvrait les deux oreilles. 6+6 a
Et le bouvreuil jaseur | à la robe de feu 6+6 b
40 Se taisait avec soin | s’il comprenait un peu. 6+6 b
Tu t’en souviens encore, | ô gentil rouge-gorge ? 6+6 a
Que de fois nous avons | partagé le pain d’orge. 6+6 a
Et Tanis odorant | et le petit goûter 6+6 b
Que je t’abandonnais | afin de t’écouter ! 6+6 b
45 Je n’ai point oublié | l’amitié du jeune âge, 6+6 a
Et ta jeune chanson | à vieillir m’encourage. 6+6 a
mètre profils métriques : 6+6, (13)
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