Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRI_2/BRI102
Auguste BRIZEUX
LA FLEUR D’OR
1874
LIVRE CINQUIÈME
A ROME
Aux Prêtres de Bretagne
DES hommes éloignés | du sol de leurs ancêtres, 6+6 a
Par force, par devoir, | ou par un vague ennui, 6+6 b
À vous, chefs du troupeau, | nos évêques, nos prêtres, 6+6 a
Ces esprits inquiets | écrivent aujourd’hui. 6+6 b
5 Nous n’irons pas troubler | les pères et les mères, 6+6 a
Vous, leurs guides secrets, | cette lettre est pour vous ; 6+6 b
Et, n’ayant à parler | que de choses amères, 6+6 a
Nous ne parlerons pas | dans la langue de tous. 6+6 b
Est-il vrai ? dans les bourgs | et les plus humbles trêves 6+6 a
10 Les écoles d’enfants | surgissent par milliers, 6+6 b
Tant que le bruit des flots | murmurant sur les grèves 6+6 a
Ne pourrait plus couvrir | la voix des écoliers. 6+6 b
Bien ! il faut que la terre | où toute vie abonde 6+6 a
Reçoive et rende au jour | la semence des blés, 6+6 b
15 Et que l’esprit de l’homme, | autre terrain, féconde 6+6 a
Les germes immortels | en lui-même assemblés. 6+6 b
Mais, prêtres, est-il vrai ? | Dans ces classes sans nombre 6+6 a
Notre langage à nous | ne résonne jamais ; 6+6 b
Nos vieux saints ont pleuré | dans leur chapelle sombre : 6+6 a
20 « Las ! dit Hoël, les fils | des guerriers que j’aimais ! » 6+6 b
Donc, à notre retour, | du milieu de la lande 6+6 a
Le joyeux ali-ké | ne s’élèvera plus, 6+6 b
Les pâtres traîneront | quelque chanson normande, 6+6 a
Et nous serons pour eux | comme des inconnus. 6+6 b
25 Oh ! l’ardent rossignol, | le linot, la mésange, 6+6 a
Pour louer le Seigneur | n’ont pas la même voix : 6+6 b
Dans la création | tout s’unit, mais tout change, 6+6 a
Et la variété | c’est une de ses lois. 6+6 b
Le niveau, c’est la mort ! | — O prêtres d’Armorique, 6+6 a
30 Si calmes, mais si forts | sous vos surplis de lin, 6+6 b
Anne laissa tomber | le joug sur la Celtique : 6+6 a
Sauvez du moins, sauvez | la harpe de Merlin ! 6+6 b
Par delà le détroit, | chez nos frères de Galles, 6+6 a
On n’a point oublié | la bannière d’azur ; 6+6 b
35 Le barde vénéré | siège encor dans les salles, 6+6 a
Et des livres fervents | prônent le grand Arthur ! 6+6 b
Prêtres, je vous le dis : | vous, nos maîtres, nos sages, 6+6 a
Refroidissant les cœurs | par trop d’austérités, 6+6 b
Vous avez aboli | les antiques usages, 6+6 a
40 Et le peuple ennuyé | rêve les nouveautés. 6+6 b
Devant vous les lutteurs | se sauvent de Cornouailles, 6+6 a
Vous coupez les cheveux | des jeunes gens de Scaer, 6+6 b
Et, pasteurs des esprits, | vous n’avez pour vos ouailles 6+6 a
Qu’un langage incorrect | et d’un mélange amer. 6+6 b
45 Niveleurs imprudents ! | la vieille langue éteinte, 6+6 a
Tous les vices nouveaux | chez vous arriveront, 6+6 b
Et si vous élevez | sur l’autel la croix sainte, 6+6 a
Nul au pied de la croix | n’inclinera son front. 6+6 b
Dieu vous donna le soin | de la vivante chaîne, 6+6 a
50 Il en est temps, sondez | ses mystiques anneaux, 6+6 b
Affermissez le roc | où doit grandir le chêne ; 6+6 a
Entretenez la digue | où s’amassent les eaux. — 6+6 b
Et toi dont le premier | j’ai chanté les bruyères, 6+6 a
Qui vivras dans mes vers | avec tes chastes mœurs, 6+6 b
55 Pardonne, ô mon pays, | et pardonne à mes frères 6+6 a
Si nous jetons de loin | ces sinistres clameurs : 6+6 b
Tout amour est craintif ! | Puis, une telle crise 6+6 a
Semble bouleverser | tes flancs près de s’ouvrir ! 6+6 b
Mais, fidèle à toi-même | et gardant ta devise, 6+6 a
60 Bretagne, tu diras | encor : « Plutôt mourir ! » 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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