Métrique en Ligne
BOU_3/BOU75
Louis BOUILHET
DERNIÈRES CHANSONS
1869
VIII
SOIR D'ÉTÉ
Amis, je veux me perdre au fond du bois sonore. 6+6 a
La lune des sentiers argente le gazon ; 6+6 b
Et, comme dans la coupe un vin qui s'évapore, 6+6 a
Déjà monte la brume aux bords de l'horizon. 6+6 b
5 La bruyante cité, près du fleuve étendue, 6+6 a
Allonge ses grands ponts comme des bras sur l'eau. 6+6 b
Tout soupire et s'endort ; et, là-bas sous la nue, 6+6 a
Vénus en souriant agite son flambeau. 6+6 b
Oh ! Laissez-moi bondir, moi dont l'âme est brisée, 6+6 a
10 Sous ces feuillages verts où palpitent les nids ! 6+6 b
J'aime dans mes cheveux des gouttes de rosée 6+6 a
Et tout autour de moi l'odeur des foins jaunis ! 6+6 b
Qui de nous, qui de nous n'a gardé dans son âme, 6+6 a
Chaste et dernier trésor du coeur désenchanté, 6+6 b
15 Le reflet d'un beau soir et le nom d'une femme, 6+6 a
Un amour à vingt ans par une nuit d'été ? 6+6 b
Ne vous souvient-il pas qu'elle était jeune et belle, 6+6 a
Que son collier sonnait sur son col onduleux, 6+6 b
Que l'écharpe à son dos frissonnait comme une aile, 6+6 a
20 Et que de longs cils noirs ombrageaient ses yeux bleus ? 6+6 b
Ne vous souvient-il pas qu'en montant les collines, 6+6 a
Sa main sur votre main doucement s'appuyait, 6+6 b
Et que son sein tremblait sous les dentelles fines 6+6 a
Comme un oiseau farouche en son nid inquiet ? 6+6 b
25 Ne vous souvient-il pas des marguerites blanches, 6+6 a
Oracles odorants effeuillés sous vos doigts, 6+6 b
Et des merles malins qui, blottis sous les branches, 6+6 a
Au bruit de vos baisers s'éveillaient dans les bois ? 6+6 b
Oh ! N'entendez-vous pas, quand tout dort sous la nue, 6+6 a
30 De sa voix près de vous frémir encor le son ?… 6+6 b
Elle vient, elle vient par la longue avenue, 6+6 a
Et l'écho du rocher répète sa chanson. 6+6 b
Sur le noir de la nuit, sa robe se détache ; 6+6 a
Incertaine, elle écoute et se penche en rêvant ; 6+6 b
35 Et son front, tour à tour, se dévoile ou se cache 6+6 a
Sous ses cheveux épars que soulève le vent. 6+6 b
Regardez : c'est l'amour, c'est l'espoir, c'est la vie ! 6+6 a
C'est le bonheur réel loin de vous emporté, 6+6 b
C'est la blonde jeunesse et tout ce qu'on envie 6+6 a
40 Vous souriant encor dans un rêve enchanté. 6+6 b
C'est ce qu'apporte à ceux qui dorment sous la terre 6+6 a
Le souffle des forêts, des ondes et des fleurs, 6+6 b
Ce que l'oiseau gazouille au cyprès solitaire, 6+6 a
Ce que l'essaim bourdonne au pied du saule en pleurs ; 6+6 b
45 Oh ! Ce qui fait parfois que, sous la lune sombre, 6+6 a
Des antiques linceuls s'agitent les lambeaux, 6+6 b
Et que les morts jaloux vont soulevant dans l'ombre, 6+6 a
De leurs bras décharnés, la pierre des tombeaux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
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