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F = "e" féminin
| = césure
BOU_3/BOU69
Louis BOUILHET
DERNIÈRES CHANSONS
1869
II
LA COLOMBE
Quand chassés, sans retour, des temples vénérables, 6+6 a
Tordus au vent de feu qui soufflait du Thabor, 6+6 b
Les grands olympiens étaient si misérables 6+6 a
Que les petits enfants tiraient leur barbe d'or ; 6+6 b
5 Durant ces jours d'angoisse où la terre étonnée 6+6 a
Portait, comme un fardeau, l'écroulement des cieux, 6+6 b
Un seul homme, debout contre la destie, 6+6 a
Osa, dans leur détresse, avoir pitié des dieux. 6+6 b
C'était un large front,un empereur, ‒ un sage, 6+6 a
10 Assez haut sur son trône et sur sa volon 6+6 b
Pour arrêter du doigt tout un siècle au passage, 6+6 a
Et donner son mot d'ordre à la divinité. 6+6 b
Or, un soir qu'il marchait avec ses capitaines, 6+6 a
Incliné sous ce poids de l'avenir humain, 6+6 b
15 Il aperçut, au fond des brumes incertaines, 6+6 a
Un vieux temple isolé, sur le bord d'un chemin ; 6+6 b
Un vieux temple isolé, plein de mornes visages, 6+6 a
Un de ces noirs débris, au souvenir amer, 6+6 b
Qui dorment échoués sur la grève des âges, 6+6 a
20 Quand les religions baissent comme la mer. 6+6 b
Le seuil croulait ; la pluie avait rongé la porte ; 6+6 a
Toute la lune entrait par les toits crevassés. 6+6 b
Au milieu de la route, il quitta son escorte, 6+6 a
Et s'avança, pensif, au long des murs glacés. 6+6 b
25 Les colonnes de marbre, à ses pieds, abattues, 6+6 a
Jonchaient de toutes parts les pavés précieux ; 6+6 b
L'herbe haute montait au ventre des statues, 6+6 a
Des cigognes rêvaient sur l'épaule des dieux. 6+6 b
Parfois, dans le silence, éclatait un bruit d'aile, 6+6 a
30 On entendait, au loin, comme un frisson courir ; 6+6 b
Et, sur les grands vaincus penchant son front fidèle, 6+6 a
Phoebé, froide comme eux, les regardait mourir. 6+6 b
Et comme il restait là, perdu dans ses penes, 6+6 a
Des profondeurs du temple il vit se détacher, 6+6 b
35 Avec un bruit confus de plaintes cadenes, 6+6 a
Une lueur tremblante et qui semblait marcher. 6+6 b
Cela se rapprochait et sonnait sur les dalles. 6+6 a
C'était un grand vieillard qui pleurait en chemin, 6+6 b
Courbé, maigre, en haillons, et trnant ses sandales, 6+6 a
40 Une tiare au front, une lampe à la main. 6+6 b
Il cachait sous sa robe une blanche colombe ; 6+6 a
Dernier prêtre des dieux, il apportait encor 6+6 b
Sur le dernier autel la dernière hécatombe 6+6 a
Et l'empereur pleura, ‒ car son rêve était mort ! 6+6 b
45 Il pleura, jusqu'au jour, sous cette voûte noire. 6+6 a
Tu souriais, ô Christ, dans ton paradis bleu, 6+6 b
Tes chérubins chantaient sur des harpes d'ivoire, 6+6 a
Tes anges secouaient leurs six ailes de feu ! 6+6 b
Et du morne empyrée insultant la détresse, 6+6 a
50 Comme au bord d'un grand lac aux flots étincelants, 6+6 b
Dans le lait lumineux perdu par la déesse, 6+6 a
Tes martyrs couronnés lavaient leurs pieds sanglants ! 6+6 b
Tu régnais, sans partage, au ciel et sur la terre ; 6+6 a
Ta croix couvrait le monde et montait au milieu ; 6+6 b
55 Tout, devant ton regard, tremblait, ‒ jusqu'à ta mère, 6+6 a
Pâle éternellement d'avoir porté son Dieu. 6+6 b
Mais tu ne savais pas le mot des desties, 6+6 a
Ô toi qui triomphais, près de l'Olympe mort ; 6+6 b
Vois : c'est le même gouffre… avant deux mille années, 6+6 a
60 Ton ciel y descendra, ‒ sans le combler encor ! 6+6 b
Tu conntras aussi, ployé sous l'anathème, 6+6 a
La désaffection des peuples et des rois, 6+6 b
Si pauvre et si perdu que tu n'auras plus même, 6+6 a
Pour t'y coucher en paix, la largeur de ta croix ! 6+6 b
65 Ton dernier temple, ô Christ, est froid comme une tombe ; 6+6 a
Ta porte n'ouvre plus sur le vaste avenir ; 6+6 b
Voilà que le jour baisse et qu'on entend venir 6+6 b
Le vieux prêtre courbé, qui porte une colombe ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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