Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BOI_3/BOI17
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX
ÉPITRES
1670-1698
ÉPÎTRE IV
AU ROI
En vain, pour te louer,ma Muse toujours prête, 6+6 a
Vingt fois de la Hollandea tenté la conquête ; 6+6 a
Ce pays, cent mursn'ont pu te résister, 6+6 b
Grand Roi, n'est pas en verssi facile à dompter. 6+6 b
5 Des villes que tu prendsles noms durs et barbares 6+6 a
N'offrent de toutes partsque syllabes bizarres, 6+6 a
Et, l'oreille effrayée,il faut depuis l'Issel, 6+6 b
Pour trouver un beau mot,courir jusqu'au Tessel. 6+6 b
Oui, partout de son nomchaque place munie 6+6 a
10 Tient bon contre le vers,en détruit l'harmonie. 6+6 a
Et qui peut sans frémiraborder Voërden ? 6+6 b
Quel vers ne tomberaitau seul nom de Heusden ? 6+6 b
Quelle Muse, à rimeren tous lieux disposée, 6+6 a
Oserait approcherdes bords du Zuiderzée ? 6+6 a
15 Comment en vers heureuxassiéger Doësbourg, 6+6 b
Zutphen, Wageninghen,Harderwic, Knotzembourg ? 6+6 b
Il n'est fort, entre ceuxque tu prends par centaines, 6+6 a
Qui ne puisse arrêterun rimeur six semaines ; 6+6 a
Et partout, sur le Whal,ainsi que sur le Leck, 6+6 b
20 Le vers est en déroute,et le poète à sec. 6+6 b
 Encor, si tes exploits,moins grands et moins rapides, 6+6 a
Laissaient prendre courageà nos Muses timides ; 6+6 a
Peut-être, avec le temps,à force d'y rêver, 6+6 b
Par quelque coup de l'artnous pourrions nous sauver ! 6+6 b
25 Mais, dès qu'on veut tentercette vaste carrière, 6+6 a
Pégase s'effaroucheet recule en arrière ; 6+6 a
Mon Apollon s'étonne ;et, Nimègue est à toi 6+6 b
Que ma Muse est encoreau camp devant Orsoi. 6+6 b
 Aujourd'hui toutefoismon zèle m'encourage ; 6+6 a
30 Il faut au moins du Rhintenter l'heureux passage ; 6+6 a
Un trop juste devoirveut que nous l'essayions. 6+6 b
Muses, pour le tracer,cherchez tous vos crayons : 6+6 b
Car, puisqu'en cet exploittout part incroyable, 6+6 a
Que la vérité purey ressemble à la fable, 6+6 a
35 De tous vos ornementsvous pouvez l'égayer. 6+6 b
Venez donc, et surtoutgardez bien d'ennuyer : 6+6 b
Vous savez des grands versles disgrâces tragiques ; 6+6 a
Et souvent on ennuieen termes magnifiques. 6+6 a
 Au pied du mont Adule,entre mille roseaux, 6+6 b
40 Le Rhin, tranquille, et fierdu progrès de ses eaux, 6+6 b
Appuyé d'une mainsur son urne penchante, 6+6 a
Dormait au bruit flatteurde son onde naissante, 6+6 a
Lorsqu'un cri, tout à coupsuivi de mille cris, 6+6 b
Vient d'un calme si douxretirer ses esprits. 6+6 b
45 Il se trouble, il regarde,et partout sur ses rives 6+6 a
Il voit fuir à grands passes Naïades craintives, 6+6 a
Qui toutes, accourantvers leur humide Roi, 6+6 b
Par un récit affreuxredoublent son effroi : 6+6 b
Il apprend qu'un héros,conduit par la victoire, 6+6 a
50 A de ses bords fameuxflétri l'antique gloire ; 6+6 a
Que Rhinberg et Wesel,terrassés en deux jours, 6+6 b
D'un joug déjà prochainmenacent tout son cours. 6+6 b
« Nous l'avons vu, dit l'une,affronter la tempête 6+6 a
De cent foudres d'airaintournés contre sa tête ; 6+6 a
55 Il marche vers Tholus ;et tes flots en courroux 6+6 b
Au prix de sa fureursont tranquilles et doux. 6+6 b
Il a de Jupiterla taille et le visage ; 6+6 a
Et, depuis ce Romain,dont l'insolent passage 6+6 a
Sur un pont, en deux jours,trompa tous tes efforts, 6+6 b
60 Jamais rien de si grandn'a paru sur tes bords. » 6+6 b
 Le Rhin tremble et frémità ces tristes nouvelles ; 6+6 a
Le feu sort à traversses humides prunelles : 6+6 a
« C'est donc trop peu, dit-il,que l'Escaut en deux mois 6+6 b
Ait appris à coulersous de nouvelles lois ; 6+6 b
65 Et de mille rempartsmon onde environnée 6+6 a
De ces fleuves sans nomsuivra la destinée ! 6+6 a
Ah ! périssent mes eaux !ou par d'illustres coups 6+6 b
Montrons qui doit céder,des mortels ou de nous ! » 6+6 b
 A ces mots, essuyantsa barbe limoneuse, 6+6 a
70 Il prend d'un vieux guerrierla figure poudreuse ; 6+6 a
Son front cicatrisérend son air furieux ; 6+6 b
Et l'ardeur du combatétincelle en ses yeux. 6+6 b
En ce moment il part ;et, couvert d'une nue, 6+6 a
Du fameux fort de Skinkprend la route connue. 6+6 a
75 Là, contemplant son cours,il voit de toutes parts 6+6 b
Ses pâles défenseurspar la frayeur épars ; 6+6 b
Il voit cent bataillonsqui, loin de se défendre, 6+6 a
Attendent sur des mursl'ennemi pour se rendre. 6+6 a
Confus, il les aborde ;et, renfoant sa voix : 6+6 b
80 « Grands arbitres, dit-il,des querelles des rois, 6+6 b
Est-ce ainsi que votre âme,aux périls aguerrie, 6+6 a
Soutient sur ces rempartsl'honneur et la patrie ? 6+6 a
Votre ennemi superbe,en cet instant fameux, 6+6 b
Du Rhin, près de Tholus,fend les flots écumeux : 6+6 b
85 Du moins, en vous montrantsur la rive opposée, 6+6 a
N'oseriez-vous saisirune victoire aisée ? 6+6 a
Allez, vils combattants,inutiles soldats, 6+6 b
Laissez là ces mousquets,trop pesants pour vos bras, 6+6 b
Et, la faux à la main,parmi vos marécages, 6+6 a
90 Allez couper vos joncset presser vos laitages ; 6+6 a
Ou, gardant les seuls bordsqui vous peuvent couvrir, 6+6 b
Avec moi, de ce pas,venez vaincre ou mourir. » 6+6 b
 Ce discours d'un guerrierque la colère enflamme 6+6 a
Ressuscite l'honneurdéjà mort en leur âme ; 6+6 a
95 Et, leurs cœurs s'allumantd'un reste de chaleur, 6+6 b
La honte, fait en euxl'effet de la valeur. 6+6 b
Ils marchent droit au fleuve, Louis en personne, 6+6 a
Déjà prêt à passer,instruit, dispose, ordonne. 6+6 a
Par son ordre Gramont,le premier, dans les flots 6+6 b
100 S'avance, soutenudes regards du héros : 6+6 b
Son coursier, écumantsous son mtre intrépide, 6+6 a
Nage, tout orgueilleuxde la main qui le guide. 6+6 a
Revel le suit de près :sous ce chef redouté 6+6 b
Marche des cuirassiersl'escadron indompté. 6+6 b
105 Mais déjà, devant eux,une chaleur guerrière 6+6 a
Emporte loin du bordle bouillant Lesdiguière, 6+6 a
Vivonne, Nantouillet,et Coislin, et Salart ; 6+6 b
Chacun d'eux au périlveut la première part. 6+6 b
Vendôme, que soutientl'orgueil de sa naissance, 6+6 a
110 Au même instant dans l'onde,impatient, s'élance. 6+6 a
La Salle, Beringhen,Nogent, d'Ambre, Cavois, 6+6 b
Fendent les flots tremblantssous un si noble poids. 6+6 b
Louis, les animantdu feu de son courage, 6+6 a
Se plaint de sa grandeurqui l'attache au rivage. 6+6 a
115 Par ses soins cependant,trente légers vaisseaux 6+6 b
D'un tranchant avirondéjà coupent les eaux ; 6+6 b
Cent guerriers s'y jetantsignalent leur audace ; 6+6 a
Le Rhin les voit d'un œilqui porte la menace ; 6+6 a
Il s'avance en courroux.Le plomb vole à l'instant, 6+6 b
120 Et pleut de toutes partssur l'escadron flottant ; 6+6 b
Du salpêtre en fureurl'air s'échauffe et s'allume, 6+6 a
Et des coups redoubléstout le rivage fume ; 6+6 a
Déjà, du plomb mortelplus d'un brave est atteint ; 6+6 b
Sous les fougueux coursiersl'onde écume et se plaint ; 6+6 b
125 De tant de coups affreuxla tempête orageuse 6+6 a
Tient un temps sur les eauxla fortune douteuse ; 6+6 a
Mais Louis d'un regardsait bientôt la fixer : 6+6 b
Le destin à ses yeuxn'oserait balancer. 6+6 b
Bientôt, avec Gramont,courent Mars et Bellone : 6+6 a
130 Le Rhin à leur aspectd'épouvante frissonne, 6+6 a
Quand, pour nouvelle alarmeà ses esprits glacés, 6+6 b
Un bruit s'épand qu'Enghienet Condé sont passés : 6+6 b
Condé, dont le seul nomfait tomber les murailles, 6+6 a
Force les escadrons,et gagne les batailles ! 6+6 a
135 Enghien, de son hymenle seul et digne fruit, 6+6 b
Par lui dès son enfanceà la victoire instruit. 6+6 b
L'ennemi renverséfuit et gagne la plaine ; 6+6 a
Le dieu lui-même, cèdeau torrent qui l'entrne ; 6+6 a
Et seul, désespéré,pleurant ses vains efforts, 6+6 b
140 Abandonne à Louisla victoire et ses bords. 6+6 b
 Du fleuve ainsi domptéla déroute éclatante 6+6 a
A Wurts jusqu'en son campva porter l'épouvante. 6+6 a
Wurts, l'espoir du pays,et l'appui de ses murs ; 6+6 b
Wurts… Ah ! quel nom, grand Roi,quel Hector que ce Wurts ! 6+6 b
145 Sans ce terrible nom,mal né pour les oreilles, 6+6 a
Que j'allais à tes yeuxétaler de merveilles ! 6+6 a
Bientôt on t vu Skinkdans mes vers emporté 6+6 b
De ses fameux rempartsdémentir la fierté ; 6+6 b
Bientôt… Mais, Wurts s'opposeà l'ardeur qui m'anime. 6+6 a
150 Finissons, il est temps.Aussi bien, si la rime 6+6 a
Allait mal à proposm'engager dans Arnheim, 6+6 b
Je ne sais pour sortirde porte qu'Hildesheim. 6+6 b
Oh ! que le ciel, soigneuxde notre poésie, 6+6 a
Grand Roi, ne nous fit-ilplus voisins de l'Asie ! 6+6 a
155 Bientôt, victorieuxde cent peuples altiers, 6+6 b
Tu nous aurais fournides rimes à milliers. 6+6 b
Il n'est plaine en ces lieuxsi sèche et si stérile 6+6 a
Qui ne soit en beaux motspartout riche et fertile. 6+6 a
Là, plus d'un bourg fameuxpar son antique nom 6+6 b
160 Vient offrir à l'oreilleun agréable son. 6+6 b
Quel plaisir de te suivreaux rives du Scamandre, 6+6 a
D'y trouver d'Ilionla poétique cendre ; 6+6 a
De juger si les Grecs,qui brisèrent ses tours, 6+6 b
Firent plus, en dix ans,que Louis en dix jours ! 6+6 b
165 Mais, pourquoi sans raisondésespérer ma veine ? 6+6 a
Est-il dans l'universde plage si lointaine 6+6 a
ta valeur, grand Roi,ne te puisse porter, 6+6 b
Et ne m'offre bientôtdes exploits à chanter ? 6+6 b
Non, non, ne faisons plusde plaintes inutiles : 6+6 a
170 Puisqu'ainsi dans deux moistu prends quarante villes, 6+6 a
Assuré des bons versdont ton bras me répond, 6+6 b
Je t'attends dans deux ansaux bords de l'Hellespont. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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