Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BOI_2/BOI7
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX
SATIRES
1666-1716
SATIRE VI
 Qui frappe l'air, bon Dieu !de ces lugubres cris ? 6+6 a
Est-ce donc pour veillerqu'on se couche à Paris ? 6+6 a
Et quel fâcheux Démon,durant les nuits entières, 6+6 b
Rassemble ici les chatsde toutes les gouttières ? 6+6 b
5 J'ai beau sauter du lit,plein de trouble et d'effroi, 6+6 a
Je pense qu'avec euxtout l'enfer est chez moi : 6+6 a
L'un, miaule en grondantcomme un tigre en furie, 6+6 b
L'autre, roule sa voixcomme un enfant qui crie. 6+6 b
Ce n'est pas tout encor :les souris et les rats 6+6 a
10 Semblent, pour m'éveiller,s'entendre avec les chats, 6+6 a
Plus importuns pour moi,durant la nuit obscure, 6+6 b
Que jamais, en plein jour,ne fut l'abbé de Pure. 6+6 b
 Tout conspire à la foisà troubler mon repos ; 6+6 a
Et je me plains icidu moindre de mes maux : 6+6 a
15 Car, à peine les coqs,commençant leur ramage, 6+6 b
Auront de cris aigusfrappé le voisinage, 6+6 b
Qu'un affreux serrurier,laborieux Vulcain, 6+6 a
Qu'éveillera bientôtl'ardente soif du gain, 6+6 a
Avec un fer maudit,qu'à grand bruit il apprête, 6+6 b
20 De cent coups de marteauva me fendre la tête. 6+6 b
J'entends déjà partoutles charrettes courir, 6+6 a
Les maçons travailler,les boutiques s'ouvrir ; 6+6 a
Tandis que, dans les airs,mille cloches émues 6+6 b
D'un funèbre concertfont retentir les nues, 6+6 b
25 Et, se mêlant au bruitde la grêle et des vents, 6+6 a
Pour honorer les mortsfont mourir les vivants. 6+6 a
 Encor, je béniraisla bonté souveraine, 6+6 b
Si le ciel à ces mauxavait borné ma peine ! 6+6 b
Mais, si seul en mon litje peste avec raison, 6+6 a
30 C'est encor pis vingt foisen quittant la maison. 6+6 a
En quelque endroit que j'aille,il faut fendre la presse 6+6 b
D'un peuple d'importunsqui fourmillent sans cesse. 6+6 b
L'un, me heurte d'un ais,dont je suis tout froissé ; 6+6 a
Je vois d'un autre coupmon chapeau renversé ; 6+6 a
35 Là, d'un enterrementla funèbre ordonnance 6+6 b
D'un pas lugubre et lentvers l'église s'avance ; 6+6 b
Et plus loin, des laquais,l'un l'autre s'agaçants, 6+6 a
Font aboyer les chienset jurer les passants. 6+6 a
Des paveurs, en ce lieu,me bouchent le passage ; 6+6 b
40 Là, je trouve une croixde funeste présage ; 6+6 b
Et des couvreurs, grimpésau toit d'une maison, 6+6 a
En font pleuvoir l'ardoiseet la tuile à foison. 6+6 a
Là, sur une charretteune poutre branlante 6+6 b
Vient menaçant de loinla foule qu'elle augmente : 6+6 b
45 Six chevaux attelésà ce fardeau pesant 6+6 a
Ont peine à l'émouvoirsur le pavé glissant ; 6+6 a
D'un carrosse, en tournant,il accroche une roue, 6+6 b
Et du choc le renverseen un grand tas de boue ; 6+6 b
Quand un autre à l'instants'effoant de passer 6+6 a
50 Dans le même embarrasse vient embarrasser. 6+6 a
Vingt carrosses bientôtarrivant à la file 6+6 b
Y sont en moins de riensuivis de plus de mille ; 6+6 b
Et, pour surcrt de maux,un sort malencontreux 6+6 a
Conduit en cet endroitun grand troupeau de bœufs ; 6+6 a
55 Chacun prétend passer ;l'un mugit, l'autre jure ; 6+6 b
Des mulets en sonnantaugmentent le murmure ; 6+6 b
Aussitôt, cent chevauxdans la foule appelés 6+6 a
De l'embarras qui crtferment les défilés, 6+6 a
Et partout, des passantsenchnant les brigades, 6+6 b
60 Au milieu de la paixfont voir les barricades. 6+6 b
On n'entend que des crispoussés confusément. 6+6 a
Dieu pour s'y faire ouïrtonnerait vainement. 6+6 a
Moi donc, qui dois souventen certain lieu me rendre, 6+6 b
Le jour déjà baissant,et qui suis las d'attendre, 6+6 b
65 Ne sachant plus tantôtà quel saint me vouer, 6+6 a
Je me mets au hasardde me faire rouer, 6+6 a
Je saute vingt ruisseaux,j'esquive, je me pousse ; 6+6 b
Guénaud sur son chevalen passant m'éclabousse ; 6+6 b
Et, n'osant plus partreen l'état je suis, 6+6 a
70 Sans songer je vais,je me sauve je puis. 6+6 a
 Tandis que dans un coinen grondant je m'essuie, 6+6 b
Souvent, pour m'achever,il survient une pluie : 6+6 b
On dirait que le ciel,qui se fond tout en eau, 6+6 a
Veuille inonder ces lieuxd'un déluge nouveau. 6+6 a
75 Pour traverser la rue,au milieu de l'orage, 6+6 b
Un ais sur deux pavésforme un étroit passage ; 6+6 b
Le plus hardi laquaisn'y marche qu'en tremblant : 6+6 a
Il faut pourtant passersur ce pont chancelant ; 6+6 a
Et les nombreux torrentsqui tombent des gouttières, 6+6 b
80 Grossissant les ruisseaux,en ont fait des rivières. 6+6 b
J'y passe en trébuchant ;mais, malgré l'embarras, 6+6 a
La frayeur de la nuitprécipite mes pas. 6+6 a
 Car, sitôt que du soirles ombres pacifiques 6+6 b
D'un double cadenasfont fermer les boutiques ; 6+6 b
85 Que, retiré chez lui,le paisible marchand 6+6 a
Va revoir ses billetset compter son argent ; 6+6 a
Que dans le Marché-Neuftout est calme et tranquille ; 6+6 b
Les voleurs à l'instants'emparent de la ville. 6+6 b
Le bois le plus funesteet le moins fréquenté 6+6 a
90 Est, au prix de Paris,un lieu de sûreté. 6+6 a
Malheur donc à celuiqu'une affaire imprévue 6+6 b
Engage un peu trop tardau détour d'une rue ! 6+6 b
Bientôt quatre banditslui serrant les côtés : 6+6 a
« La bourse !… » Il faut se rendre ;ou bien, non ! résistez ! 6+6 a
95 Afin que votre mort,de tragique mémoire, 6+6 b
Des massacres fameuxaille grossir l'histoire. 6+6 b
Pour moi, fermant ma porte,et cédant au sommeil, 6+6 a
Tous les jours je me coucheavecque le soleil. 6+6 a
Mais, en ma chambre à peineai-je éteint la lumière, 6+6 b
100 Qu'il ne m'est plus permisde fermer la paupière. 6+6 b
Des filous effrontés,d'un coup de pistolet, 6+6 a
Ébranlent ma fenêtre,et percent mon volet. 6+6 a
J'entends crier partout :« Au meurtre ! on m'assassine ! » 6+6 b
Ou : « Le feu vient de prendreà la maison voisine ! » 6+6 b
105 Tremblant, et demi-mort,je me lève à ce bruit, 6+6 a
Et souvent sans pourpointje cours toute la nuit. 6+6 a
Car le feu, dont la flammeen ondes se déploie, 6+6 b
Fait de notre quartierune seconde Troie, 6+6 b
maint Grec affamé,maint avide Argien, 6+6 a
110 Au travers des charbonsva piller le Troyen. 6+6 a
Enfin sous mille crocsla maison abîmée 6+6 b
Entrne aussi le feuqui se perd en fumée. 6+6 b
 Je me retire donc,encor pâle d'effroi : 6+6 a
Mais, le jour est venuquand je rentre chez moi. 6+6 a
115 Je fais pour reposerun effort inutile ; 6+6 b
Ce n'est qu'à prix d'argentqu'on dort en cette ville ; 6+6 b
Il faudrait, dans l'enclosd'un vaste logement, 6+6 a
Avoir loin de la rueun autre appartement. 6+6 a
 Paris est pour un richeun pays de Cocagne : 6+6 b
120 Sans sortir de la ville,il trouve la campagne ; 6+6 b
Il peut, dans son jardin,tout peuplé d'arbres verts, 6+6 a
Recéler le printempsau milieu des hivers ; 6+6 a
Et, foulant le parfumde ses plantes fleuries, 6+6 b
Aller entretenirses douces rêveries. 6+6 b
125  Mais moi, grâce au destin,qui n'ai ni feu ni lieu, 6+6 a
Je me loge je puis,et comme il plt à Dieu ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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