Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BEN_1/BEN81
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
Plainte du Cheval Pégaze aux Chevaux de la Petite Écurie,
qui le veulent déloger de son Galetas des Thuileries.
PÉGAZE, contre qui | tant de chevaux ensemble 6+6 a
Forment une cabale, | et conspirent, ce semble, 6+6 a
À le faire sortir | du lieu de son repos, 6+6 b
Leur voulut expliquer | la douleur qui le touche, 6+6 c
5 Et, secouant le mords | qu’il avoit dans la bouche, 6+6 c
Parmy beaucoup d’écume | en fit sortir ces mots : 6+6 b
Compagnons d’une belle | et noble servitude, 6+6 a
Que sous le Grand LOUIS | nous ne trouvons point rude, 6+6 a
Me voulez-vous enfin | chasser de mon réduit ? 6+6 b
10 C’est un bruit surprenant, | et lors que je l’écoute, 6+6 c
Pour le Cheval de bronze | on me prendroit sans doute, 6+6 c
Si je ne m’ébranlois | à ce terrible bruit. 6+6 b
Croyez-vous que mes droits | soient moindres que les vôtres ? 6+6 a
Sommes-nous pas chevaux | les uns comme les autres ? 6+6 a
15 Je suis par-dessus vous, | et ne m’en prévaus pas : 6+6 b
Les qualitez que j’ay | sont moins matérielles, 6+6 c
Et quand ce ne seroit | qu’à cause de mes aîles, 6+6 c
Je doy loger en haut, | si vous logez en bas. 6+6 b
Ne nous reprochons rien, | vous portez le monarque, 6+6 a
20 Et pour vous en effet | c’est une illustre marque ; 6+6 a
Mais, à n’en point mentir, | mon sort est aussi bon : 6+6 b
Vous marchez terre à terre | en des routes connuës, 6+6 c
Moy d’un rapide vol | je traverse les nuës, 6+6 c
Et porte dans le ciel | sa louange et son nom. 6+6 b
25 D’autres que moy verroient | leurs forces étouffées 6+6 a
Sous ce pesant amas | d’armes et de trophées 6+6 a
Qui le rendent par tout | redoutable aujourd’huy ; 6+6 b
C’est aussi pour mon dos | une charge assez forte : 6+6 c
En ce grand équipage | il faut que je le porte 6+6 c
30 Dans la postérité | bien loin derrière luy. 6+6 b
Combien j’ay veu de fois | naître et mourir les roses, 6+6 a
Depuis que je luy vay | quérir les belles choses 6+6 a
Dont il veut chaque hyver | enrichir son ballet ; 6+6 b
Et quand j’ay comme il faut | galoppé pour sa gloire, 6+6 c
35 Pour une pauvre fois | qu’on m’aura mené boire, 6+6 c
Tout le reste du temps | on me laisse au filet. 6+6 b
JULES, qui pour l’Estat | se donna tant de peine, 6+6 a
Voulut aussi régler | mon foin et mon avoine ; 6+6 a
Luy-même descendit | jusqu’à ce dernier soin, 6+6 b
40 Mais il prit par malheur | un râtelier pour l’autre, 6+6 c
Et quittant un païs | aussi doux que le nôtre, 6+6 c
Partit et me laissa | sans avoine et sans foin. 6+6 b
Je n’aurois maintenant | pauvreté ni tristesse, 6+6 a
N’étoit qu’un bon coureur, | me passant de vitesse, 6+6 a
45 A pris ma portion | que je luy voy manger ; 6+6 b
Dedans la paille fraîche | il se vautre, il s’y plonge, 6+6 c
Couché sur ma litière, | et tandis qu’il me ronge, 6+6 c
Malheureux, je n’ay rien | que mon frein à ronger. 6+6 b
J’habite un beau palais, | qui n’a point de modèle, 6+6 a
50 Si c’est enchantement | ou chose naturelle, 6+6 a
C’est où les spectateurs | demeurent en suspens : 6+6 b
Il est peint, ajusté, | poly, galant, honnête ; 6+6 c
Tout y plaît, tout y charme, | et rien n’y sent la bête 6+6 c
Que de l’avoir fait faire | à mes propres dépens. 6+6 b
55 C’est d’une si tranquille | et si riante place, 6+6 a
Presque à moitié chemin | du ciel et du Parnasse, 6+6 a
Que je sçay mépriser | tout l’or de ces bas lieux ; 6+6 b
Là s’égaye en repos | ma libre fantaisie, 6+6 c
Vivant là d’un air pur, | et d’un peu d’ambroisie, 6+6 c
60 Qui tombe quelquefois | de la table des dieux. 6+6 b
Ce pays de séjour | en délices abonde, 6+6 a
C’est un don que je tiens | du plus grand Roy du monde, 6+6 a
Je veux devant ses yeux | ma disgrâce étaler : 6+6 b
Et je ne seray pas | le premier misérable 6+6 c
65 À qui l’on aura vû | sa bonté favorable, 6+6 c
Ni le premier cheval | dont il ait oüy parler. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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