Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BCH_1/BCH123
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
III
L'AMOUR DIVIN
XXV
L'ART
J'irai bien loin, bien loin, | fendant l'écume blanche, 6+6 a
Avec un compagnon | sinistre à mon côté 6+6 b
Qui chaque nuit viendra | me tirer par la manche 6+6 a
Et qui me laissera | dans l'ombre épouvanté. 6+6 b
5 La joyeuse espérance | a fui loin de mon âme ; 6+6 a
Je sais que notre amour, | dans sa tombe endormi, 6+6 b
Est tourné vers la mer | et battu par la lame, 6+6 a
Et qu'il est solitaire | et que le vent gémit. 6+6 b
Je me souviens qu'après | le deuil de ma jeunesse, 6+6 a
10 Pris d'une passion | invincible, j'ai cru 6+6 b
Trouver en la nature | une immense tendresse 6+6 a
Et qu'elle, en ma douleur, | ne m'a point secouru. 6+6 b
Mais toujours près de moi | comme un spectre livide 6+6 a
Le sombre compagnon | me regarde ; et sitôt 6+6 b
15 Que je vais pleurer, triste | à me sentir si vide, 6+6 a
Il me frappe au visage | et me dit : memento ! 6+6 b
Je ne suis jamais seul. | Si mon ennui sans borne 6+6 a
Est prêt à m'inonder, | lui, de son maigre doigt 6+6 b
Il me montre une page | inachevée, et morne 6+6 a
20 Me répète sans fin : | Travaille, et souviens-toi. 6+6 b
Ah ! je te comprends bien, | frère bizarre et triste 6+6 a
Qui m'accompagneras | jusqu'au seuil du tombeau ; 6+6 b
C'est inutilement | que mon cœur te résiste, 6+6 a
Je subis à jamais | le vertige du beau. 6+6 b
25 Ton nom est l'art divin, | l'art éternel, ô frère 6+6 a
Qui ne me laisses pas | dormir ! c'est l'art jaloux 6+6 b
Qui me fait exhumer | de leur froide poussière 6+6 a
Tant de lettres d'amour | et de gais rendez-vous ; 6+6 b
Qui me force, mourant, | à revivre ma vie, 6+6 a
30 A redire, impassible | et sans pleurs dans la voix, 6+6 b
L'histoire de mon cœur | et ma peine infinie 6+6 a
Aussi paisiblement | qu'un oiseau dans les bois. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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