Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAU_1/BAU7
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
SPLEEN ET IDÉAL
VI
Les Phares
Rubens, fleuve d’oubli, | jardin de la paresse, 6+6 a
Oreiller de chair fraîche | où l’on ne peut aimer, 6+6 b
Mais où la vie afflue | et s’agite sans cesse, 6+6 a
Comme l’air dans le ciel | et la mer dans la mer ; 6+6 b
5 Léonard de Vinci, | miroir profond et sombre, 6+6 a
Où des anges charmants, | avec un doux souris 6+6 b
Tout chargé de mystère, | apparaissent à l’ombre 6+6 a
Des glaciers et des pins | qui ferment leur pays ; 6+6 b
Rembrandt, triste hôpital | tout rempli de murmures, 6+6 a
10 Et d’un grand crucifix | décoré seulement, 6+6 b
Où la prière en pleurs | s’exhale des ordures, 6+6 a
Et d’un rayon d’hiver | traversé brusquement ; 6+6 b
Michel-Ange, lieu vague | où l’on voit des Hercules 6+6 a
Se mêler à des Christs, | et se lever tout droits 6+6 b
15 Des fantômes puissants | qui dans les crépuscules 6+6 a
Déchirent leur suaire | en étirant leurs doigts ; 6+6 b
Colères de boxeur, | impudences de faune, 6+6 a
Toi qui sus ramasser | la beauté des goujats, 6+6 b
Grand cœur gonflé d’orgueil, | homme débile et jaune, 6+6 a
20 Puget, mélancolique | empereur des forçats ; 6+6 b
Watteau, ce carnaval | où bien des cœurs illustres, 6+6 a
Comme des papillons, | errent en flamboyant, 6+6 b
Décors frais et léger | éclairés par des lustres 6+6 a
Qui versent la folie | à ce bal tournoyant ; 6+6 b
25 Goya, cauchemar plein | de choses inconnues, 6+6 a
De fœtus qu’on fait cuire | au milieu des sabbats, 6+6 b
De vieilles au miroir | et d’enfants toutes nues, 6+6 a
Pour tenter les démons | ajustant bien leurs bas ; 6+6 b
Delacroix, lac de sang | hanté des mauvais anges, 6+6 a
30 Ombragé par un bois | de sapins toujours vert, 6+6 b
Où, sous un ciel chagrin, | des fanfares étranges 6+6 a
Passent, comme un soupir | étouffé de Weber ; 6+6 b
Ces malédictions, | ces blasphèmes, ces plaintes, 6+6 a
Ces extases, ces cris, | ces pleurs, ces Te Deum, 6+6 b
35 Sont un écho redit | par mille labyrinthes ; 6+6 a
C’est pour les cœurs mortels | un divin opium ! 6+6 b
C’est un cri répété | par mille sentinelles, 6+6 a
Un ordre renvoyé | par mille porte-voix ; 6+6 b
C’est un phare allumé | sur mille citadelles, 6+6 a
40 Un appel de chasseurs | perdus dans les grands bois ! 6+6 b
Car c’est vraiment, Seigneur, | le meilleur témoignage 6+6 a
Que nous puissions donner | de notre dignité 6+6 b
Que cet ardent sanglot | qui roule d’âge en âge 6+6 a
Et vient mourir au bord | de votre éternité ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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