À Mademoiselle Marthe Brandès.
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Te souviens-tu du soir, où près de la fenêtre |
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Ouverte d'un salon plein de joyeux ébats, |
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Tu n'avais pas seize ans… les avais-tu ?… Peut-être ? |
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Sous le rideau tombé, nous nous parlions tout bas ?… |
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Ce n'était pas l'amour que t'exprimait ma bouche, |
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Mon cœur était trop vieux, trop glacé, trop hautain, |
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Pour parler à ton cœur ; mais, prophète farouche, |
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Je te prédisais ton destin. |
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Et toi, tu m'écoutais, sur la barre accoudée ; |
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Tu me montrais ta nuque, en me cachant ton front ; |
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Et tu restais muette à la cruelle idée |
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De ce premier amour qui, t'ayant possédée, |
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Deviendra mon dernier affront ! |
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Nuit, ciel, jardin, massifs, dehors tout était sombre, |
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Et tu regardais dans ce noir. |
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Mais ton cœur de seize ans avait encor plus d'ombre, |
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Et là, comme dehors, tu ne pouvais rien voir ! |
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Mais moi, moi, j'y voyais ! mes yeux perçaient le voile |
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Qui te cachait ton avenir, |
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Et je voyais au loin monter l'affreuse étoile |
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De ce premier amour qui pour toi doit venir ! |
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Je te disais alors : « Il va bientôt paraître |
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Celui-là qui prendra d'autorité vos jours ! |
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Mais moi qui ne veux pas vous voir subir un maître, |
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J'aurai disparu pour toujours ! » |
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C'est fait… Je suis sorti maintenant de ta vie |
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Sans t'avoir dit l'adieu qu'on se dit quand on part ; |
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Silencieusement j'emporte ma folie… |
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Pour être aimé de toi, j'étais venu trop tard. |
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Tu ne m'as pas trahi. Je n'ai rien à te dire… |
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Ce qui fut entre nous, c'est la Fatalité. |
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D'aucune illusion tu n'eus sur moi l'empire, |
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Sinon celle de ta fierté ! |
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Te l'avais-je assez exaltée, |
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Pour résister à ton futur vainqueur ? |
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Ai-je cru te l'avoir plantée |
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Assez avant dans ton trop faible cœur ? |
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J'avais donc mis trop haut ton âme. |
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En toi de la fierté ? non ! pas même d'orgueil ! |
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Est-ce que tu pouvais être plus qu'une femme ? |
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Les bras fermés sur toi sont pour moi ton cercueil. |
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Et si, devant mes yeux, un de ces soirs peut-être, |
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Tu passes, entraînant tous les cœurs sous tes pas, |
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Ne baisse pas les tiens ; — car tu m'as fait connaître |
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Ce genre de mépris qui même ne voit pas !… |
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