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Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
À THÉOPHILE GAUTIER
Ô toi, Gautier ! Sage parmi les sages 10
Aux regards éblouis, 6
Toi, dont l'esprit vécut dans tous les âges 10
Et dans tous les pays, 6
5 Tu fus surtout un grec, et tu contemples 10
De tes yeux immortels 6
Les purs profils harmonieux des temples 10
Dans les bleus archipels. 6
Tu les aimas, les doux porteurs de glaive, 10
10 Plus forts que la douleur, 6
Et dans le rêve où bouillonnait la sève 10
De ta pensée en fleur, 6
Tu fus rhapsode, et pour charmer les heures 10
Chez les rois étrangers, 6
15 Tu leur chantas dans les hautes demeures 10
Achille aux pieds légers. 6
Tu modelas auprès de Polyclète, 10
Car tu n'ignorais rien, 6
Et tu sculptais des figures d'athlète 10
20 Avec ce dorien. 6
Sur les gazons où rit la marguerite, 10
Des dieux même enviés, 6
Ta claire enfance apprit de Théocrite 10
Les chansons des bouviers. 6
25 Avec Pindare aimant la sainte règle, 10
Aux oiseleurs pareil, 6
Tu fis monter les odes au vol d'aigle 10
Vers le rouge soleil, 6
Et tu raillas avec Aristophane, 10
30 Par des mots odieux, 6
Le philosophe indocile et profane, 10
Vil contempteur des dieux. 6
Et maintenant qu'avec des pleurs moroses, 10
Tristes, nous nous plaignons, 6
35 Tu reconnais sous les grands lauriers-roses 10
Tes anciens compagnons. 6
Pour que ta lèvre enfin se rassasie, 10
Dans le festin charmant, 6
Au milieu d'eux, tu goûtes l'ambroisie 10
40 En causant longuement. 6
Auprès de toi le riant paysage 10
Est fait comme tu veux, 6
Et tu souris à côté de la sage 10
Hélène aux beaux cheveux, 6
45 Qui déchaîna l'effroyable désastre 10
Des guerriers et des rois, 6
Et sa beauté resplendissante d'astre, 10
À présent tu la vois ! 6
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