Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_3/BAN143
Théodore de BANVILLE
Les Exilés
1867
ROLAND
Roncevaux ! Roncevaux ! | Que te faut-il encor ? 6+6 a
Il s'est éteint l'appel | désespéré du cor. 6+6 a
Hauts sont les puys et longs | et ténébreux, mais Charles, 6+6 b
Frémissant dans sa chair, | entend que tu lui parles, 6+6 b
5 Et, couchés à jamais | pour l'éternel repos, 6+6 a
Les païens gisent morts | par milliers, par troupeaux, 6+6 a
Sur le sable, à côté | des français intrépides. 6+6 b
Ah ! Les vaux sont profonds, | et les gaves rapides, 6+6 b
Et la rafale fait | tournoyer sur les monts 6+6 a
10 Ces âmes de corbeaux | qu'emportent les démons. 6+6 a
Tandis que l'empereur | à la barbe fleurie 6+6 b
Accourt, hélas ! Trop tard | vers l'affreuse tuerie, 6+6 b
Ô douleur ! Dans le fond | des défilés étroits, 6+6 a
Au pied des rocs de marbre, | ils ne sont plus que trois : 6+6 a
15 L'archevêque Turpin, | qui, la mort sur la joue, 6+6 b
Navre encor les païens, | qu'on l'en blâme ou l'en loue, 6+6 b
Et le brave Gautier | De Luz, et puis Roland. 6+6 a
Olivier est tombé, | qui, déjà chancelant, 6+6 a
Et l'œil au paradis | qui devant lui flamboie, 6+6 b
20 Hauteclaire à la main, | criait encor : Montjoie ! 6+6 b
Il dort, le fier marquis, | auprès de Veillantif. 6+6 a
Cependant, à venger | notre France attentif, 6+6 a
Sous son armure d'or, | pâle, souillé de fange, 6+6 b
Roland, sanglant, blessé, | poudreux, fier comme un ange, 6+6 b
25 Combat en vaillant preux | qui sait bien son métier. 6+6 a
Turpin de son épieu | fait merveille ; Gautier 6+6 a
Est plus rouge partout | qu'une grenade mûre ; 6+6 b
Le sang de tous côtés | tombe de son armure, 6+6 b
Et Roland frappe, ayant | une blessure au flanc. 6+6 a
30 Durandal avait tant | travaillé que le sang 6+6 a
Ruisselait sur sa lame, | et l'enveloppait toute 6+6 b
D'un humide fourreau | vermeil, et goutte à goutte 6+6 b
Pleuvait en même temps | de tous les points du fer. 6+6 a
On eût dit que Roland, | revenu de l'enfer, 6+6 a
35 Tînt un glaive de feu | levé sur les infâmes, 6+6 b
D'où sa main secouait | de la braise et des flammes. 6+6 b
Tout ce sang tombait dru | sur lui, sur son coursier, 6+6 a
Débordant, émoussait | le tranchant de l'acier, 6+6 a
Et, lorsque le héros | s'élançait comme en rêve, 6+6 b
40 Bouillonnait en flot clair | à la pointe du glaive. 6+6 b
Son odeur enivrante | attirait les vautours. 6+6 a
« Ah ! S'écriait le bon | Roland frappant toujours 6+6 a
Devant lui, si, ma main | étant moins occupée, 6+6 b
Je pouvais seulement | essuyer mon épée ! » 6+6 b
45 Il dit, et sur le front | du sarrasin maudit 6+6 a
Frappe ; alors monseigneur | saint Michel descendit 6+6 a
Du ciel, et vers Roland, | occupé de combattre, 6+6 b
Accourut, enjambant | dans l'éther quatre à quatre 6+6 b
Les clairs escaliers bleus | du paradis. Il vint 6+6 a
50 Au comte qui luttait, | souriant, contre vingt 6+6 a
Mécréants, et son fer | n'était qu'une souillure. 6+6 b
Mais l'archange éclatant, | dont l'ample chevelure 6+6 b
De rayons d'or frissonne | autour de son front pur, 6+6 a
Essuya Durandal | à sa robe d'azur. 6+6 a
55 Ensuite il regagna | les cieux. Dans la mêlée 6+6 b
Roland continuait | sa course échevelé. 6+6 b
Comme le bûcheron | s'abat sur la forêt, 6+6 a
Sa grande épée, heureuse | et rajeunie, ouvrait 6+6 a
Les fronts casqués ; à chaque | estocade nouvelle, 6+6 b
60 On en voyait jaillir | le sang et la cervelle ; 6+6 b
Et les noirs bataillons | qu'il touchait en marchant 6+6 a
Disparaissaient, ainsi | que les épis d'un champ 6+6 a
Se renversent, courbés | sous le vent qui les bouge. 6+6 b
Une minute après, | Durandal était rouge. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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