Métrique en Ligne
BAN_2/BAN92
Théodore de BANVILLE
Odes funambulesques
1857
OCCIDENTALES
OCCIDENTALE HUITIÈME
NADAR
Les soirs qu'au vaudeville, en ce moment sauvé, 12
On donne une première 6
Représentation ; quand le gaz relevé 12
Couvre tout de lumière ; 6
5 Et, pour mieux éblouir de feux les vils troupeaux 12
Aux faces inconnues, 6
Quand, les littérateurs déposant leurs chapeaux, 12
On voit leurs têtes nues ; 6
Chez tous ces rois à qui la notoriété 12
10 Enseigne ses allures, 6
Oh ! Quel spectacle étrange en sa variété 12
Offrent les chevelures ! 6
Les unes ont l'aspect de l'ébène ; voici 12
Les châtaines, les fauves, 6
15 Et les beaux fronts de neige, et l'on remarque aussi 12
Le bataillon des chauves. 6
C'est le brun Lherminier, Sasonoff et Murger, 12
Et Lemer, doux lévite. 6
Leurs cheveux peuvent dire en chœur avec Burger : 12
20 « hurrah ! Les morts vont vite ! » 6
Louis Boyer, qui prit plus d'une Alaciel 12
À plus d'un roi de Garbe, 6
Dissimule son nez, organe essentiel, 12
Sous de grands flots de barbe. 6
25 Son visage pourtant n'est pas seul envahi 12
Comme celui d'un serbe, 6
Et de Goy, dont les mots ont un parfum d'aï, 12
N'est pas non plus imberbe ! 6
Car le temps, qui sourit de se voir encensé 12
30 Par ceux dont il se joue, 6
Met, comme un lierre épars, ce feuillage insensé 12
Autour de notre joue ! 6
Louis Lurine, habile à bien lancer les dards, 12
En a les tempes bleues. 6
35 Asselineau pourrait fournir des étendards 12
Aux pachas à trois queues. 6
Méry, chêne au milieu d'arbustes rabougris, 12
A vaincu les épreuves ; 6
Il est majestueux et fort sous son poil gris 12
40 Comme les dieux des fleuves. 6
Dumas qui pourrait seul, Phébus éthiopien, 12
Chanter la sage Hélène, 6
Abrite des éclairs son crâne olympien 12
Sous des touffes de laine ; 6
45 Mirecourt dans son ombre, antre de noirs projets, 12
Tente de noyer Planche, 6
Et René Lordereau dans ses boucles de jais 12
Garde une mèche blanche. 6
Villemessant, mêlé, comme les vieux railleurs, 12
50 De faune et de satyre, 6
Se coiffe en brosse. Et puis j'en passe, et des meilleurs ! 12
Mais qui pourrait tout dire ? 6
Théo, roi de l'azur où la muse le suit, 12
Amant de la chimère, 6
55 En secouant sa tête, à l'entour fait la nuit, 12
Comme un héros d'Homère, 6
Et Barrière qui va cherchant la vérité 12
Sans songer à sa gloire, 6
Montre pleins d'ouragans des yeux d'aigle irrité 12
60 Sous une forêt noire. 6
À côté d'eux on voit les blonds : c'est Dumas fils, 12
Dont l'ample toison frise, 6
C'est Gaiffe, dont la joue est neige, ivoire et lys, 12
Et la lèvre cerise. 6
65 C'est Castille aux anneaux crêpés ; ses yeux ont lui 12
Pour quelque étrange rêve, 6
Et son chef lumineux brille comme celui 12
De notre grand'mère Ève. 6
Voillemot resplendit comme un jeune Apollon. 12
70 Fabuleux météore, 6
Sa tête radieuse au milieu d'un salon 12
Fait l'effet d'une aurore. 6
Banville montre un front qui n'a rien de commun. 12
À tort il l'accompagne 6
75 De trois crins hérissés avec fureur, comme un 12
Savetier de campagne. 6
Arsène Houssaye, à qui souvent, le cœur troublé, 12
Rêvent les jeunes filles, 6
A des cheveux pareils à ceux des champs de blé 12
80 Tombant sous les faucilles. 6
Ils sont d'or pâle ; ceux du poëte nouveau 12
Qui, dans des vers bizarres, 6
A nommé le public : « bête à tête de veau, » 12
Sont jaunes, fins et rares. 6
85 La Madelène est rose, et Marchal est vermeil 12
D'une façon hardie, 6
Mais Nadar sur son front aux comètes pareil 12
Arbore l'incendie ! 6
logo du CRISCO logo de l'université