Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_14/BAN601
Théodore de BANVILLE
RIMES DORÉES
1875
A Eugène Delacroix
Strophes dites par Mounet-Sully
Pour l'inauguration du monument élevé à Eugène Delacroix
O Delacroix ! songeur, | poëte, âme, génie ! 6+6 a
Magicien vibrant | d'orgueil et de courroux, 6+6 b
Calme, fier, évoqué | de la nuit infinie, 6+6 a
Peintre de l'idéal, | te voici devant nous ! 6+6 b
5 Tes mains ont loin de toi | rejeté le suaire, 6+6 a
Et toi, le conquérant, | jadis persécuté, 6+6 b
Grâce à la piété | du hardi statuaire, 6+6 a
Te voici, tu renais | pour l'immortalité. 6+6 b
Terre et cieux, tu prends tout | dans ton vaste domaine, 6+6 a
10 Et si la clarté brille | en ton œil enchanté, 6+6 b
C'est que tu te donnas | à la souffrance humaine. 6+6 a
Le poëme divin, | c'est toi qui l'as chanté. 6+6 b
Massacres, guerre, amour, | fragilité, démence, 6+6 a
Tu peignis tout, le sang | pourpré comme les fleurs, 6+6 b
15 Et l'enfer et l'azur, | et dans ton œuvre immense 6+6 a
L'héroïque Pitié | lave tout de ses pleurs ! 6+6 b
Ah ! l'avenir, le grand | avenir magnanime, 6+6 a
Est pour celui qui porte | une plaie à son flanc 6+6 b
Et qui ne peut pas voir | un condamné sublime 6+6 a
20 Sans laver ce martyr | avec son propre sang. 6+6 b
Il vivra, celui-là | qui jette, comme Orphée, 6+6 a
Une plainte que rien | ne saurait apaiser, 6+6 b
Et qui, domptant d'abord | sa colère étouffée, 6+6 a
Pose sur chaque plaie | un fraternel baiser. 6+6 b
25 O peintre ! la couleur | sereine est une lyre ; 6+6 a
Elle dit le triomphe | à l'aurore pareil, 6+6 b
Et l'épopée au glaive | ardent, et le délire 6+6 a
Du beau qui resplendit | comme un rouge soleil. 6+6 b
O Delacroix ! parmi | les pages qu'illumine 6+6 a
30 Ton âme, il en est une | où, furieux encor, 6+6 b
Apollon, clair vainqueur | de la nuit, extermine 6+6 a
Les monstres des marais | avec ses flèches d'or. 6+6 b
Haine, ignorance, erreur, | tous les bourreaux de l'âme, 6+6 a
Les mensonges avec | les trahisons rampants, 6+6 b
35 Le dieu tue et détruit, | s'envolant dans la flamme, 6+6 a
Tout ce tas de crapauds | hideux et de serpents. 6+6 b
Ce dieu, c'est toi, vivant | dans la clarté première, 6+6 a
Chassant l'obscurité | détestable qui nuit, 6+6 b
O toi qui t'enivras | de la pure lumière 6+6 a
40 Et qui n'eus jamais d'autre | ennemi que la nuit. 6+6 b
Mais tu peignis aussi, | pur en ses chastes lignes, 6+6 a
Caressé par la brise | et par le doux écho, 6+6 b
Un jardin où parmi | les lauriers et les cygnes 6+6 a
Retentissent les vers | d'Homère et de Sapho. 6+6 b
45 C'est là que, maintenant, | rassasié de gloire, 6+6 a
Tu contemples, superbe | et d'un regard vainqueur, 6+6 b
Les bosquets verdoyants | et le temple d'ivoire 6+6 a
A côté de Hugo, | cet Eschyle au grand cœur. 6+6 b
Le statuaire, en qui | l'espérance tressaille, 6+6 a
50 A modelé pour nous | ce beau front sérieux, 6+6 b
Ta lèvre au pli songeur, | tes cheveux en broussaille, 6+6 a
Et sous tes fiers sourcils | tes yeux mystérieux. 6+6 b
Et nous te saluons | d'une ardente louange, 6+6 a
O toi qui fus émus, | grand homme, et qui pleuras, 6+6 b
55 O traducteur du verbe | égal à Michel-Ange, 6+6 a
Qui pris le feu du ciel | et qui t'en emparas ! 6+6 b
Maintenant que ton œuvre | austère et magnifique 6+6 a
Brille dans la lumière | et l'éblouissement, 6+6 b
Et que, dans la verdure | et l'ombre pacifique, 6+6 a
60 Un flot mélodieux | baigne ton monument, 6+6 b
Notre Apelle triomphe | ainsi que notre Homère, 6+6 a
Et, tressant pour ton front | des lauriers toujours verts, 6+6 b
Cette fille d'Hellas, | ta nourrice et ta mère, 6+6 a
La France avec orgueil | te donne à l'univers. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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