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ANG_1/ANG4
corpus Pamela Puntel
Albert ANGOT
NOS RUINES
1871
SEDAN
I
La bataille a duré trois mortelles journées. 6+6 a
Le sol est parsemé d’armes abandonnées, 6+6 a
De casques, de képis sanglants. 8 b
Les cadavres en tas s’élèvent dans la plaine ; 6+6 c
5 Le Français expiré serrant son arme vaine, 6+6 c
Menace encore les Allemands. 9 b
Là, ce sont des affûts brisés par la mitraille, 6+6 a
Des caissons, des boulets ; là, des pans de muraille 6+6 a
Troués ainsi que des haillons. 8 b
10 Par là des cavaliers ont passé par nuées ; 6+6 c
Leurs troupes par la mort en vain diminuées 6+6 c
Chargeaient ici les bataillons. 8 b
En braves ils son morts, au trépas faisant face, 6+6 a
Raillant les biscaïens qui trouaient leur cuirasse 6+6 a
15 Et faussaient leur casque d’acier. 8 b
Un blessé çà et là un instant se redresse, 6+6 c
Au ciel levant les mains en signe de détresse ; 6+6 c
Plus loin meurt un pauvre coursier. 8 b
II
Empereur, que fais-tu, pendant que ton armée, 6+6 a
20 Comme l’or d’un prodigue, à terre, est là semée, 6+6 a
A Sedan, au sein des sillons ? 8 b
Songes-tu que la France, en son courroux bien juste, 6+6 c
Demain va s’écrier, comme autrefois Auguste : 6+6 c
« — Varus, rends-moi mes légions ! 8 b
25 Rends-moi mon maréchal sans reproche et sans crainte, 6+6 a
Qui maudissait son sort, et subissait sans plainte 6+6 a
Tes plans absurdes de combat ! 8 b
Rends-moi mes vieux dragons, faces échevelées, 6+6 c
Mes hussards qui passaient au milieu des mêlées 6+6 c
30 Comme la foudre qui s’abat ! 8 b
Varus, Varus, rends-moi mes régiments d’Afrique, 6+6 a
Mes zouaves, mes turcos, dont l’élan frénétique 6+6 a
Enlevait si bien les canons ; 8 b
Mes héros échappées aux neiges de Crimée, 6+6 c
35 Au soleil du Mexique ! oh ! rends-moi mon armée ! 6+6 c
Varus, rends-moi mes légions ! » 8 b
III
Mais le voilà !… c’est lui !… bercé dans sa berline, 6+6 a
Il s’étend mollement ; et sa tête s’incline, 6+6 a
L’œil terne et le cigare aux dents. 8 b
40 Les cent-gardes géants, ces soldats de parade, 6+6 c
Accompagnent encore sa triste promenade, 13 c
Comme en ses jours les plus brillants. 8 b
Voyez-vous les chevaux courir comme la foudre ? 6+6 a
Qu’importent les mourants qui gisent dans la poudre 6+6 a
45 Et les cadavres en monceau ! 8 b
Les morts ne sauront point, au sein de la poussière, 6+6 c
Rouvrir, sous les chevaux qui les broient, leur paupière ; 6+6 c
et les blessés mourront bientôt ! 8 b
Ils vont !… Mais les chevaux sont glacées d’épouvante : 6+6 a
50 Ils ont vu d’un coursier la blessure béante, 6+6 a
D’où le sang coulait à bouillons. 8 b
Qu’importe !… il faut passer… — Ce blessé se relève 6+6 c
Et son poing menaçant vers l’empereur s’élève… , 6+6 c
Qu’importe !… Fouettez, postillons !… 8 b
IV
55 Quoi ! c’est un empereur, en empereur de France ! 6+6 a
Vit-on tant d’impudeur et tant d’’indifférence 6+6 a
Chez nos plus mauvais souverains ? 8 b
De cent mille soldats les uns sont mort en braves ; 6+6 c
Les autres sont vendus, comme on vend des esclaves, 6+6 c
60 O Bonaparte, par tes mains. 8 b
Bonaparte, oh ! dis-moi… , ce n’était point la peine 6+6 a
De te servir du nom d’un si grand capitaine 6+6 a
Pour nous tromper sur ton néant ; 8 b
D’associer ta honte à son nom dans l’histoire, 6+6 c
65 Et de te cramponner, parasite à sa gloire, 6+6 c
Comme un lierre au chêne géant. 8 b
Ah ! que n’est-tu resté dans la libre Angleterre, 6+6 a
Au lieu de profiter de nos jours de colère, 6+6 a
Pour couronner aussi ton front ; 8 b
70 Pour tailler sans trembler ta pourpre impériale 6+6 c
Dans le large manteau dont sa main colossale 6+6 c
Couvrait le monde sans façon ? 8 b
Ah ! que n’as-tu laissé dans notre panoplie 6+6 a
Sa gigantesque épée aux combats anoblie, 6+6 a
75 Au lieu de t’en ceindre les reins ! 8 b
Tu devais bien savoir qu’au jour de la bataille, 6+6 c
Trop longue elle serait pour ta petite taille 6+6 c
Et qu’elle te choirait des mains. 8 b
Tous les Grecs ne pouvaient bander l’arme d’Ulysse ; 6+6 a
80 C’était, Napoléon, un exemple propice 6+6 a
Pour calmer ton ambition. 8 b
Le casque du guerrier est trop lourd pour l’enfance ; 6+6 c
Elle peut se blesser en soulevant sa lance : 6+6 c
Hercule est une exception. 8 b
85 Le bouffon qui voudra jouer la tragédie, 6+6 a
En fera, je suis sûr, toujours la parodie 6+6 a
Avec un debout orageux. 8 b
Puisqu’il chaussait hier le brodequin comique, 6+6 c
Il doit trouver trop grand le cotture tragique : 6+6 c
90 Sur la scène il sera boiteux. 8 b
Bonaparte, oh ! dis-moi… , malgré ton impudence, 6+6 a
Ne crains-tu point qu’un jour l’Hercule de la France 6+6 a
Ne vienne, un éclair dans les yeux, 8 b
Te reprocher d’avoir volé son héritage ; 6+6 c
95 D’avoir traîné son glaive en ce lieu de carnage, 6+6 c
et terni son nom glorieux ? 8 b
Ne crains-tu point de dire, un jour, baissant la tête, 6+6 a
Comme un frêle roseau brisé par la tempête : 6+6 a
« Sire, daignez me pardonner : 8 b
100 « Oui, mon ambition me rendit bien coupable ; 6+6 c
« Oh ! cesser de froncer ce sourcil redoutable ! 6+6 c
« Ne veuillez point me condamner ! 8 b
« Ce n’était point pour moi qu’autrefois votre épée 6+6 a
« En traits rouges gravait l’incroyable épopée 6+6 a
105 « De tant de gloire et de revers ; 8 b
« Qu’en Égypte, passant comme les vents humides 6+6 c
« Vous évoquiez du sein des vieilles pyramides 6+6 c
« Les siècles du vieil univers. 8 b
« Ce n’était point pour moi que votre humeur guerrière 6+6 a
110 « De Naples au Kremlin promenait l’aigle fière 6+6 a
« Avec Lannes et Masséna ; 8 b
« Ce n’était point pour voir cette affreuse mêlée 6+6 c
« Qui souille de Sedan la fatale vallée, 6+6 c
« Que vous avez fait Iéna. » 8 b
115 Ton expiation, prince, sera complète : 6+6 a
Plus bas, plus bas encor tu baisseras la tête 6+6 a
Devant l’Empereur, à genoux. 8 b
En vain tu tenteras de fléchir sa colère. 6+6 c
Mais lui, te repoussant du pied dans la poussière 6+6 c
120 T’Accablera de son courroux. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6, (9), (13)
forme globale type : suite périodique
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