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| = césure
ANG_1/ANG14
corpus Pamela Puntel
Albert ANGOT
NOS RUINES
1871
SUR LA DÉMOLITION DE LA COLONNE DE LA PLACE VENDÔME
I
O grand Napoléon, | quelle amère pensée 6+6 a
Doit régner aujourd’hui | dans ta tête bronzée, 6+6 a
Au faîte du trône d’airain 8 b
Qu’autrefois a taillé | ta droite colossale 6+6 c
5 Dans les mille canons | que l’Europe vassale 6+6 c
Livrait à ton bras surhumain ! 8 b
Quand tu le bâtissais | ce bronze indélébile, 6+6 a
Tu disais : — « L’étranger | et la guerre civile 6+6 a
« Viendront y briser leurs fureurs ; 8 b
10 « Mes vieux héros sculptés, | l’orgueil de la patrie, 6+6 c
« Arrêteront les rois | et le peuple en furie 6+6 c
« Qui craindront encor l’Empereur.” 8 b
Oh ! combien était vaine, | alors, ton espérance, 6+6 a
Rêve prodigieux | d’un génie en démence, 6+6 a
15 Étincelante illusion ! 8 b
Plus tard tu vis ici | l’étranger apparaître ; 6+6 c
En lui tu reconnus | jusqu’à deux fois ton maître : 6+6 c
Quelle amère déception ! 8 b
Ce n’était point assez ! |… regarde dans a plaine ! 6+6 a
20 Le Prussien est campé | sur les bords de la Seine 6+6 a
Hélas ! pour la troisième fois ; 8 b
Pendant que sous tes pieds | la populace armée, 6+6 c
Maîtresse de Paris, | lutte contre l’armée 6+6 c
De la pauvre France aux abois. 8 b
25 Ce que Blücher ou Moltke, | un jour, dans sa colère, 6+6 a
Devant Paris vaincu, | jamais n’eût osé faire, 6+6 a
Ce peuple insensé le fera. 8 b
Quand le pays en deuil | sous le Prussien succombe, 6+6 c
Il voudra, sous ses coups, | que la Colonne tombe ; 6+6 c
30 Et ses débris il les vendra ! 8 b
Un ramas d’étrangers, | sans foyers, sans famille, 6+6 a
Rebut des nations, | exploite la Guenille 6+6 a
Au nom de la Fraternité. 8 b
Que leur font, après tout, | les gloires de la France, 6+6 c
35 Pourvu qu’avec ivresse, | au soleil, leur démence 6+6 c
Étale sa lubricité ! 8 b
Que leur font ce faisceau | de souvenirs épiques, 6+6 a
Nos guerriers chérissant | les combats héroïques, 6+6 a
Le bruit du fer contre le fer, 8 b
40 Le fracas des canons, | la clameur des cymbales, 6+6 c
Répondant par une hymne | au sifflement des balles, 6+6 c
Avec Desaix, avec Kléber ! 8 b
Que leur font nos succès | qui tiennent du prodige : 6+6 a
Et Jourdan sur la Sombre | et Joubert sur l’Adige, 6+6 a
45 Gaëte pris par Masséna, 8 b
Pichegru s’emparant | des flottes assiégées : 6+6 c
Du levant au couchant | cent batailles rangées, 6+6 c
Thabor, Austerlitz, Iéna ! 8 b
« Oui, qu’importe ! Aujourd’hui | les peuples sont tous frères 6+6 a
50 « A bas tous les tyrans ! | A bas toutes les guerres ! 6+6 a
« Le Peuple doit tout dominer. 8 b
« Brisons les monuments | de toute tyrannie ! 6+6 c
« Que la route par nos | au Droit soit aplanie. 6−6 c
« C’est le Peuple qui doit régner.” 8 b
55 S’ils veulent renverser | la Colonne immortelle, 6+6 a
C’est que, dans leurs excès, | ils tremblent devant elle, 6+6 a
C’est qu’ils redoutent l’Empereur ; 8 b
C’est qu’ils ont peur de voir, | un jour, leur conscience 6+6 c
Leur dire à son aspect : | — « Tu is servir la France 6+6 c
60 « Au profit de ton déshonneur ! » 8 b
II
Oh ! tu ne peux périr, | Colonne trois fois sainte, 6+6 a
Où la foudre en tes flancs | se cache à peine éteinte ; 6+6 a
Dis-moi que tu ne peux périr ! 8 b
Dis que ton bronze est fort | en sa longue spirale, 6+6 c
65 Qu’il saura résister | à leur main infernale ; 6+6 c
Dis-moi que tu ne peux mourir ! 8 b
Dis-moi que de tes flancs | l’héroïque sculpture 6+6 a
Bravera leurs marteaux, | comme la vieille armure 6+6 a
D’un chevalier bardé de fer, 8 b
70 Qui, ferme comme un roc, | au sein de la bataille, 6+6 c
Supportait tous les coups | et d’estoc et de taille 6+6 c
Qui pleuvaient drus sur son haubert. 8 b
Dis que c’est le géant | de la Rome française 6+6 a
Qui tordit tout ensemble | en sa vaste fournaise 6+6 a
75 Ton bronze et l’immortalité ! 8 b
Oh ! dis-moi que ton moule | est gardé par la gloire ! 6+6 c
Qu’on peut le reconstruire, | en consultant l’Histoire 6+6 c
Où notre nom est répété ! 8 b
Ah ! c’est qu’on a besoin, | en ces jours de tristesses, 6+6 a
80 D’avoir un souvenir | de nos vieilles prouesses, 6+6 a
Avant de nous pouvoir venger ; 8 b
Pour voir en ce moment, | sans éprouver de honte, 6+6 c
Sans qu’un flot de rougeur | à la face nous monte, 6+6 c
Sous nos murs camper l’étranger ! 8 b
85 Certes, on a besoin | d’un monument sublime, 6+6 a
Quelque bronze vengeur, | quelque trophée opime, 6+6 a
Pour montrer à ses fiers vainqueurs ; 8 b
Pour leur dire qu’aussi, | lors de notre puissance, 6+6 c
Nous les vîmes plongés | au sein de la souffrance, 6+6 c
90 Nous les vîmes verser des pleurs. 8 b
Voilà pourquoi, Colonne, | image de victoire, 6+6 a
Pourquoi je veux garder | les fantômes de gloire 6+6 a
Qui se pressent à tes côtés, 8 b
Je veux voir tes soldats, | ces héros d’un autre âge, 6+6 c
95 Sortir encor vainqueurs | du nouvel esclavage 6+6 c
De ces Vandales détestés. 8 b
III
Tremblez, vils étrangers | et vile populace ! 6+6 a
Dans le sein des Français | la colère s’amasse, 6+6 a
Déjà votre règne est passé. 8 b
100 Tremblez ! J’entends déjà | notre canon qui gronde 6+6 c
Dans le lointain ; et sans | que le vôtre y réponde, 6−6 c
Le vrai Français s’est avancé. 8 b
Tremblez ! déjà j’entends, | avec de longs murmures, 6+6 a
Au sein du monument | résonner des armures, 6+6 a
105 Et comme un bruit confus de pas. 8 b
On dirait que, soudain, | renaissent de leur cendre, 6+6 c
Les vieux héros bronzés | cherchent à redescendre 6+6 c
Pour combattre avec nos soldats. 8 b
Vous avez réveillé | ces ombres immortelles. 6+6 a
110 Les aigles, leurs gardiens, | ont agité leurs ailes. 6+6 a
Craignez peut-être leur fureur ! 8 b
Les foudres apaisées | qu’ils portent dans leurs serres 6+6 c
Pourraient bien contre vous | déchaînant leurs colères, 6+6 c
Vous renverser d’un trait vengeur. 8 b
ÉPILOGUE
115 Et toi, Hugo, toi, qui | célébrais la Colonne 6+6 a
Sur ton luth immortel, | dans un vers qui résonne 6+6 a
Ainsi qu’une cloche d’airain ; 8 b
Toi, qui chantais jadis | nos splendides annales, 6+6 c
Au sein des nations | nos courses triomphales, 6+6 c
120 Le front pur comme un jour serein ; 8 b
Oh ! que tu dois rougir | de cette multitude 6+6 a
Que flattais avec trop de sollicitude, 11 a
De ces cruels démolisseurs ! 8 b
S’il est bon de songer | à clamer leur souffrance, 6+6 c
125 Il faut être assez fort | pour braver leur licence, 6+6 c
Et pour enchaîner leurs erreurs. 8 b
Démolir ta Colonne ! |y songes-tu ?… quel crime ! 6+6 a
Lève-toi donc, poëte ! |… à ta lyre sublime 6+6 a
Attache une corde de fer. 8 b
130 Car tu l’as dit :— »Malheur | à qui dit à ses frères, 6+6 c
« Dans un temps tout rongé | de haine et de misères : 6+6 c
« Je retourne dans le désert. » 8 b
Me laisseras-tu seul, | égoïste poëte, 6+6 a
Exhaler mes soupirs | qu’emporte la tempête 6+6 a
135 Dans une rafale de vent ? 8 b
Viens à ma faible voix | unir ta voix de flamme, 6+6 c
Pour dompter le courroux | et le bruit de la lame, 6+6 c
Et faire taire l’ouragan. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6−6, (11)
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